[original] Le Combat (inachevé)

Cette histoire s’est passée il y a très longtemps, tout près de l’endroit où nous nous tenons, toi et moi. Je suis âgé, et le temps est venu de te l’apprendre. C’est une ancienne légende, qui ne survit que par les voix de notre seule famille. Tous les autres l’ont oublié. Que tu y croies ou pas, saches que ce mythe est à l’origine de notre société.

Les temps étaient aussi simples que leur technologie évoluée. Les gens maîtrisaient le pouvoir de voler, ou de faire naître le feu, et beaucoup d’autres choses surnaturelles qu’on appellerait magie à présent. Mais la magie n’existe pas. Ces humains, car c’en étaient, avaient percé de nombreux secrets de la physique et de la nature, et s’en servaient quotidiennement, dans la plus grande normalité. On voyait dans la rue des gens soulever des appareils extrêmement lourds, et ici ou là une jeune fille changer la couleur et la longueur de ses cheveux uniquement par la pensée.
C’était à cette époque que vivait Max Karue, un petit brun de vingt ans, dont les yeux changeaient de couleur suivant son humeur. Tantôt ils étaient bleus, gris, verts, noisette, ou bien simplement noirs. Il était d’apparence un peu timide, mais c’était mal le connaître que de penser cela. Max était étudiant en sciences poussées, c’est-à-dire en techniques encore non perfectionnées. Car si les hommes pouvaient commander au feu par l’esprit, ils avaient maintenant compris que la nature était complexe et ses pouvoirs infinis. Malgré l’honneur qu’on accordait aux étudiants en sciences, et quand ils avaient fini leurs études, aux Physiciens, comme on les appelait, Max n’aimait pas cette façon de voir son environnement. Il se sentait mal à l’aise dans cette confrérie de prétentieux chercheurs de la nature… les ‘violeurs’ comme il les nommait.
Une fille parlait avec Max près des casiers. Elle était blonde, avec de longs cheveux bouclés, toujours savamment noués. Ses yeux verts pétillaient de malice, et sa peau très blanche la rendait à la fois dure et chaleureuse. C’était Kyra Safeer, sa meilleure amie, du même âge que lui. Ils étaient dans le hall de leur académie, la seule de la planète, Analya. Pour avoir été reçus dans cette école, il leur avait fallu réussir un concours difficile, et être choisis sur un rapport de cent candidats pris pour cinq mille postulants. Et chaque Phy a sa spécialité : Kyra a l’ambition de maîtriser ses émotions et de contrôler tous ses réflexes internes du corps, comme le rythme cardiaque, ou la température corporelle. Max préférerait connaître les pensées des gens autour de lui.

‘ Ca te dirait une petite sortie au Stabs’ ce soir ?’ demanda Max.
‘ Mouais, pourquoi pas… Ils font de super Death Gryties !’
‘ Clair ! C’est mon plat préféré ! Attends, bouge pas Kyra, Lee arrive…’
‘ Nan, pas cet abruti…’
Kyra se tourna alors vers le jeune homme, un grand roux aux cheveux longs tressés comme tout bon futur Phy qui se respecte. D’ailleurs, seul Max arborait des cheveux courts à l’Académie, et beaucoup d’étudiants lui reprochaient cette mini rébellion. Les yeux de Lee étaient d’un gris froid, et froides étaient ses paroles et sa voix.
‘Alors, revoilà notre looser planétaire ! Les sélectionneurs devaient être aveugles quand ils t’ont laissés entrer à Analya !’
‘Je te rappelle, rouquin de mes deux, que je suis entré avec plus de points que toi !’ s’écria Max, qui commençait sérieusement à s’énerver.
‘ Max… laisse tomber, il en vaut pas la peine…’ dit Kyra d’un ton blasé et las.
‘Toi la blondasse tu te la fermes et tu laisses Maximilius et moi discuter tranquillement !’ répliqua Lee, d’un ton mi-coléreux, mi-sarcastique.
‘Quoi ? Moi ? Blondasse ??? Mais va te faire mettre espèce de carotte à pattes !!!’ cria Kyra.
‘Kyra, je croyais qu’il en valait pas la peine ? Et puis laisse tomber, y’a Poyu qui arrive.’
Poyu était le directeur de cette école, et le plus grand Physicien au monde. Tandis que la plupart des Phy maîtrisaient un seul grand pouvoir, il avait eu la chance de pouvoir en maîtriser trois, car sa vie avait été assez longue pour lui permettre de se perfectionner dans plusieurs domaines. Notamment, il avait le pouvoir de se rendre invisible. Mais rien n’est parfait. Alors quand il use de son pouvoir, des gens tels que Max, qui ont un instinct très développé, le sentent à l’intérieur de leur esprit.
‘T’es sûr, Max ?’ demanda Kyra, ignorant totalement Lee, qui la fusillait du regard à moins d’un mètre d’elle.
‘Mais ouais, allez, on se casse, de toute manière faut qu’on aille en Méditation.’
‘Ouais…’
Aussitôt, les deux étudiants partirent, laissant Lee seul devant les casiers, qui s’apprêtait à lancer une réplique, qui maintenant se perdrait dans le vide.

Le soir même, Max et Kyra se retrouvaient au bar Stabs’, au milieu de quantité de gens peu fréquentables, de musique bruyante et de serveurs tous plus louches les uns que les autres. Max était assis devant une pinte d’une liquide violet, fabriqué uniquement dans le Stabs’, tandis que Kyra préférait son alcool de fruits du Palte, un arbre qui poussait un peu partout sur Terre à cette époque. Max regardait un peu partout, mais son regard restait tristement vide. Kyra n’aimait pas le voir dans cet état, mais elle ne l’aurait jamais avoué, même sous la torture. Elle savait exactement ce qui le tracassait, et dans moins d’une seconde il ouvrirait la bouche pour exprimer encore une fois les mêmes questions, qui le tourmentaient depuis qu’il avait été admis à Analya. Cela ne manqua pas.
‘Kyra, j’en ai marre… Je veux pas devenir Phy. C’est pas pour moi.’
‘T’as vraiment pas de pot de pas pouvoir choisir, mais te plaint pas, un bon Phy est super bien payé par l’Etat.’ répliqua-t-elle avec un sourire en coin.
‘Je te parle de conviction, de conflits d’idées, et tu me parles de paye ?!? Tu changeras jamais…’
‘Hé, Max. C’est pas parce que tu veux changer le monde qu’il changera pour toi. J’y peux rien si tes parents sont trop bornés, et si t’es assez intelligent pour avoir été admis ici.’
Dans un coin, un vieil homme les surveillait, un verre de vodka à la main. Il écoutait attentivement cette conversation, sans que Kyra ou Max ne le remarque.
‘J’en ai assez de subir, Kyra. On est en train de détruire les pouvoirs naturels de cette Terre en voulant les contrôler. On ne peut pas tout contrôler…’
‘Parle pour toi. Je me sens assez en forme pour contrôler mon taux d’alcool dans le sang ce soir. Ca évitera à un de ces flics de me coffrer pour vol en état d’ivresse.’ Kyra rit, ce qui était sa manière à elle de combattre la gêne que la réflexion de Max avait engendré.
‘Je ne plaisante pas Kyra. Je ne me sens pas Physicien. Je crois que je … j’aimerai les combattre en fait. Les tuer, un par un.’
Kyra sursauta. Les dernières paroles de Max étaient assez inhabituelles pour la faire réagir.
‘Les combattre ? Mais ils sont puissants, et je pense pas que la population t’en sera reconnaissante…’ dit Kyra, en reprenant une gorgée de son alcool.
Son regard s’attarda sur le bar bondé. Ici ou là, une fille proposait ses services nocturnes à un homme ivre qui ne faisait plus la différence entre le blanc et le noir, même s’il aurait fait jour. Dehors, la rue était pleine de touristes et de passants de nuit, qui partaient à la recherche d’une boîte de nuit, ou d’un holociné encore ouvert. Kyra regarda sa montre : il était bientôt minuit. Normal que ce pauvre Max débite des conneries. Mais elle n’allait pas le changer maintenant, pensait-elle.
‘Je m’en tape de la population, et j’utiliserai les mêmes armes qu’eux…’ répliqua Max, en finissant son verre d’un trait. Son regard était encore plus vitreux qu’au départ, et Kyra sentait bien qu’il disait n’importe quoi. Néanmoins, le vieux encapuchonné du coin de la salle s’était discrètement approché, et osait à présent adresser la parole à Max et Kyra.
‘Bonsoir jeunes gens…’
‘Tu veux quoi ?’ demanda Max, à présent bien sur les nerfs.
‘Ne soyez pas si hâtif et impoli jeune homme…’
Sur ces paroles, le vieil homme retira la capuche qui empêchait aux étudiants de voir son visage. Max et Kyra furent pris entre le rire et la peur. Ce fut en effet le visage de Poyu qui apparut.
‘Excusez-moi monsieur… je… je ne savais pas…’ bredouilla Max.
Poyu leva sa main en signe de silence, et s’assit à côté de Kyra. Il prit ensuite la parole :
‘Je viens d’entendre de curieuses choses, garçon.’
‘Monsieur… il est fatigué et on devrait même être rentrés…’ La gêne se lisait sur le visage de Kyra, ce qui était assez rare. Elle essaya de se concentrer pour que son cœur ne s’emballe pas, mais elle n’y arriva qu’à moitié. ‘J’ai encore des progrès à faire dans ce domaine je crois bien.’ pensa-t-elle. Mais encore une fois, Poyu coupa la parole :
‘Je me fiche de savoir si Max est fatigué ou pas, et je pense qu’il dirait la même chose si il était en pleine forme. Maximilius, sais-tu pourquoi tu as été choisi parmi les six mille candidats de ta promotion, et ce malgré ton aversion pour ces études ?’
Max ne sut quoi répondre, et la première chose qu’il dit fut :
‘S’il vous plaît, appelez moi Max, je hais ce nom.’ Il regarda ensuite Kyra, ne sachant quoi dire. Devant ce silence, Poyu continua son histoire.
‘Max, on t’a choisi… enfin, je t’ai choisi uniquement parce que je savais que tu avais les capacités intellectuelles pour te confier la mission que j’aurais dû remplir. Mais le courage me manquait à l’époque…’

Max et Kyra ne comprenaient absolument rien aux dires de Poyu, leur directeur, et Physicien le plus puissant au monde. Ils se contentaient de se regarder, s’interrogeant du regard. Le directeur d’Analya continuait sa tirade.
‘Cette mission, tu peux ne pas l’accepter, mais sache que j’ai tout fait pour que tu puisses la réaliser. Je serais avec toi pour t’apprendre à maîtriser toutes les facettes connues de la Physique poussée.’
‘Mais c’est ce que je fais à Analya…’ répliqua Max, un peu perplexe.
‘Max, si tu acceptes ce que je vais te proposer, tu devras quitter Analya. Mais il va sans dire que ça ne te déplairais pas plus que cela.’ répondit Poyu avec un sourire en coin. Max était maintenant pris au piège. Il demanda alors de but en blanc en quoi consistait cette mission.
‘Je ne peux pas t’en parler ici, petit. Alors viens demain dans mon bureau, à la première heure.’
Kyra, se sentant oubliée, pris la parole :
‘Je peux venir avec lui ? Enfin je veux dire, je resterai pas à Analya s’il n’est plus là !’
Max et Poyu furent très étonnés, et cela fit naître un sourire sur le vieux visage de Poyu.
‘Pas de problèmes, Kyra. Mais si tu connais l’objet de cette mission, soit tu l’effectues avec lui, soit tu meurs.’
Kyra eut alors peur, mais ce qu’elle avait dit, elle ne pouvait le retirer : elle irait avec Max, ou bien mourrait.

Analya était une immense industrie à Physiciens. Chaque année il en sortait une petite dizaine, les quatre-vingt-dix autres étudiants de la promo étant impitoyablement recalés. Etre Phy était un privilège et l’accomplissement d’années de travail. Beaucoup de Physiciens disaient que rien n’était jamais acquis, surtout en ce qui concernait leur titre de Phy. On peut toujours progresser. Certains étaient spécialisés dans la médecine, la recherche pharmaceutique, d’autres les cosmétiques, ou la mode, et enfin, certains préféraient utiliser leur don et leur charisme en administration, gestion de grandes entreprises, ou encore en politique. Les élèves recalés finissaient souvent professeurs à Analya, ou dans les multiples écoles d’initiation aux Sciences poussées, disséminées sur toute la planète. Mais l’Académie Analya était aussi unique que la langue parlée par tous les terriens. Elle se dressait au milieu de la ville, ses hauts murs évoquant une grande propriété, et ses tours, une antique construction, datant de milliers d’années. En haut de la plus haute tour se trouvait le bureau de Poyu. Il regardait par la baie la ville qui s’étalait à ses pieds. Il méditait à propos de la mission qu’il allait confier à Max Karue, quand on frappa à sa porte.
Par un savant mécanisme, elle s’ouvrit seule, et Max entra, suivit de Kyra. Celle-ci était moins bien coiffée que d’habitude, la faute à un certain rouquin croisé dans un couloir.
‘Bonjour Professeur.’ Dirent Kyra et Max en chœur.
‘Asseyez-vous les enfants. Je vous attendais.’
Poyu s’assit à son tour, devant ses deux étudiants. Il croisa ses vieilles mains noueuses sur la table, et plongea ses yeux gris pétillants d’intelligence dans ceux de Max, qui étaient gris bleu.
‘Max, tu penses donc que les Physiciens dénaturent notre planète en usant de pouvoirs trop complexes et à de viles fins ?’ demanda Poyu, le plus sérieusement du monde. Sachant que Poyu était le plus puissant des Phy, Max n’osa pas répondre de suite. Finalement, il hocha la tête. Kyra essayait de suivre, et se demandait bien où ce vieux Poyu voulait en venir.
‘Bien. Je suis moi-même le plus puissant des Physiciens de la Terre, et pourtant, j’avoue partager tes idées.’
Le silence s’était imposé après ces paroles, et les étudiants ne pouvaient pas deviner ce que Poyu avait en tête.
‘Voulez-vous vous plier à mes instructions, c’est-à-dire connaître les enjeux de la mission et l’exécuter, ou ne pas les connaître ? Sachez que si je vous expose la situation, il n’y a plus de marche arrière : c’est la mort.’
Malgré la menace des paroles de Poyu, ni Kyra, ni Max ne reculèrent. Ce dernier hocha la tête et déclara d’un ton solennel :
‘Nous l’acceptons, dites nous en quoi elle concerne.’
Max était presque prêt à tout pour sortir d’Analya, alors même si cette mission était de torcher le cul d’un Phy basé à l’autre bout de la planète dans un coin perdu, il accepterait. Mais le ton de Poyu annonçait une mission bien plus grave.
‘Votre mission est de surveiller tous les Physiciens que je considérerais comme dangereux pour notre planète et donc pour nous-mêmes. En cas de réelle dangerosité, nous prendrons conseil à trois, et vous aurez éventuellement la permission de le supprimer.’

Le silence était pesant. Kyra était profondément choquée d’une telle proposition de la bouche de Poyu, mais Max ne semblait pas de cet avis. Il réfléchit un instant, regarda Kyra et Poyu dans les yeux, et annonça à celui-ci :
‘J’accepte votre mission, Professeur.’
Kyra ne put se contrôler :
‘Hein ? Me dis pas que tu étais sérieux hier au Stabs’ quand tu parlais de les massacrer !’
‘Kyra, je suis toujours sérieux quand je parle de Phy. Ils sont trop puissants, et un jour, une catastrophe se produira de leur faute.’
Le regard de Max était maintenant d’un gris anthracite fort. Kyra eut du mal à le supporter, et se tourna vers Poyu, qui, elle le savait, pensait déjà à l’éliminer. Résignée, elle annonça enfin :
‘J’ai promis que je suivrais Max. Alors je le ferais.’

En sortant du bureau de Poyu, Kyra et Max devaient se rendre au cours de Chimie Ionique Physique, qui leur était enseigné par Don Turis, un Physicien très puissant, qui avait la maîtrise de toutes sortes d’ions. Ainsi il pouvait envoyer des charges d’ions, modifier leur place et leur fonction à l’intérieur du corps. Cela pouvait aller jusqu’à pouvoir tuer.
Les deux étudiants entrèrent, légèrement en retard, et se firent apostropher par leur professeur, en train de vérifier les montages de ses élèves. Il portait la blouse blanche de Phy, reconnaissable à ses boutons de côté, et son col relevé. Un badge était accroché sur le côté gauche de sa poitrine, affichant ainsi les couleurs de la Confrérie des Physiciens. Ses cheveux étaient encore noirs, et ils étaient tressés à la mode des étudiants, c’est-à-dire en une longue tresse à cinq mèches. Ses yeux noirs transperçaient, et les deux jeunes gens eurent un sursaut en repensant à ce que Poyu venait de leur annoncer. Don Turis était puissant, il faudrait un jour le surveiller, et peut-être même le tuer… mais comment ?
‘Vous êtes en retard, Miss Safeer et Môsieur Karue. Prenez ces places-ci et que je ne vous entende pas pour les trois heures à venir !’ dit Don Turis d’un ton qui se voulait glacial, comme à son habitude.
Lee Loktar était assis devant le bureau du prof, avec un montage parfait, comme l’avait souligné le professeur à toute la promo. Le roux regardait Kyra et Max avec un grand sourire, qui se voulait ricaneur, et froid.
‘Je le hais ce connard…’ murmura Kyra.
‘Allez, il faut qu’on bosse… sinon on va se faire virer !’ dit Max.
‘T’oublies qu’on est déjà dehors, de ta faute ! Oh, et puis ce serait pas mal de sortir de cette Académie de mes deux !’ répliqua Kyra, parlant de plus en plus fort. Forcément, Don Turis l’entendit, et ne manqua pas de répliquer.

‘Miss Safeer n’est pas contente de son traitement ici ? Oublierait-elle que si elle est à Analya, c’est parce qu’elle l’a voulu ? Et qu’elle est ici pour travailler, non pour discuter avec son abruti de voisin !!!’
Kyra eu du mal à s’incliner, et Lee était littéralement mort de rire. Max lui, ne chercha même pas à baisser les yeux ou ne rien dire… Il se leva et toute son aversion pour la race des Physicien sortit d’un coup. Il fixa son professeur dans les yeux. Si ceux de Don Turis étaient noirs, ceux de Max l’étaient aussi, avec une pointe de rouge, ce qui était vraiment exceptionnel.
‘Je ne suis PAS un abruti !!! Si vous en cherchez un, vous feriez mieux de regarder devant vous, ou dans un miroir !’
Kyra prit peur… devant Don Turis se tenait Lee Loktar, qui riait beaucoup moins en voyant l’expression, ou plutôt le manque d’expression de Max. Le professeur fut si outré qu’il ne fit rien pendant un moment, puis il cria dans la classe, depuis longtemps paralysée par les évènements :
‘ MAXIMILIUS KARUE !!! VOUS ETES VIRE !!!’
‘ Si tu le dis, vieux…’ répondit Max, sur un ton blasé, un sourire en coin aux lèvres. Ses yeux étaient revenus à un noir plus classique, et viraient lentement mais sûrement vers un gris foncé. Lee n’en revenait pas, et quant à Kyra, elle commençait à rire. Elle regarda Don Turis, et lui dit, dans la plus grande normalité :
‘ Il se casse ? Bah moi aussi !!! Ciao les moutons !’ dit Kyra à toute la promotion, arborant un grand sourire. Aussitôt, les deux jeunes étudiants sortirent du cours, et partirent dans leurs quartiers prendre leurs affaires.
Sur le chemin du retour, ils croisèrent Poyu, qui s’arrêta pour leur parler :
‘Il parait que Don Turis vous a exclu définitivement ?’ demanda-t-il avec un sourire.
‘On était déjà virés de toute manière, alors…’, dit Max.
Kyra ne savait pas quoi répondre, mais elle souriait presque trop ostensiblement.
‘Je viens de vous acheter un appartement sur la 5e rue. Tenez, voilà les clés. On se retrouve demain dans l’entrepôt désaffecté numéro quinze quarante-huit, sur la 46e avenue. Au revoir.’


‘C’était quand même cool notre sortie… même si on est dans un chouette pétrin maintenant, Max !’
Une semaine après les évènements du cours pratique de Chimie Ionique Physique, Kyra et Max se baladaient dans Carulia, la ville où Analya était implantée, la capitale mondiale. Max et Kyra étaient habillés normalement, et portaient deux armes peu conventionnelles au ceinturon : l’un avait un petit pistolet paralysant à électricité, l’autre un massif lance acide, lance-flammes et lance électricité trois en un. Son ‘Grilleur’, comme elle aimait l’appeler.
‘Ca fait au moins trois fois que tu me le dis aujourd’hui… On est censés retrouver le vieux dans le quartier chaud ce matin.’ Par discrétion, ils ne prononçaient plus le nom de Poyu tout haut depuis qu’ils avaient quitté Analya. Le motif de ce renvoi était public, et toute la ville était au courant. Ce qui avait fait mourir Lee de rire évidemment.
‘Le quartier chaud ? Je savais que c’était un obsédé ce gars là !’ dis Kyra en riant. ‘ Tu crois qu’il va nous apprendre quoi aujourd’hui ? L’orgasme garanti ?’ Max se mit à rire lui aussi.
‘Non, je crois que le programme du jour c’est un peu de tir, et beaucoup d’anatomie.’ Répondit Max, redevenu sérieux.
‘De l’anatomie ? Pour quoi faire ?’
‘Connaître les points faibles du corps humain… pour tuer plus facilement et plus vite !’ dit Max en souriant. Mais il était tout à fait sérieux. Kyra ne répondit rien à cela, et au fond d’elle, elle était même impatiente d’apprendre comment tuer vite et bien.

Les deux jeunes arrivèrent vite au repaire du jour de Poyu, et entrèrent. L’extérieur portait l’enseigne d’un bordel, mais une fois à l’intérieur, Max et électricité purent voir une grande pièce vide et propre, où le vieux Poyu méditait en les attendant.
‘Bonjour Professeur.’ Dit Max, suivit de Kyra.
‘Bonjour les enfants. Asseyez-vous.’
Un écran apparut alors en dessous d’eux. On y voyait un homme, plutôt grand, et dont les cheveux grisonnants descendaient dans le dos.
‘C’est votre première cible. Il s’appelle Lanwoe. Il habite au 42, sur la 22e avenue de Carulia.’
Max ne s’attendait pas à recevoir déjà un ordre de surveillance si vite. Mais Poyu continuait à parler.
‘Il est réputé pour son pouvoir de persuasion, induit dans sa voix. Il a convaincu des foules de se plier à ses désirs propres, ses intêrets, et ainsi mourut la forêt de Suark, la plus grande forêt de l’hémisphère sud. Son potentiel de dangerosité est élevé mais j’aimerai quand même que vous le surveilliez un minimum d’un mois. Je ne le mettrais pas sur écoute, car sa voix est traîtresse. Je vous demanderez de l’observer, et de se rendre chez lui quand il n’y sera pas.’
Max et Kyra prenaient enfin la mesure de leur tâche. Lanwoe n’était pas une mince affaire, et pourtant, c’était leur première mission. Ce qui voulait dire qu’ils auraient à faire à beaucoup plus gros comme poisson. Poyu, après une courte pause, reprit :
‘Je vais d’abord vous apprendre à mieux maîtriser vos spécialités. La tienne, Max, nous sera extrêmement utile.’
Ainsi commencèrent plus de huit heures d’entraînement épuisant. Kyra s’était nettement améliorée au tir, que Max maîtrisait parfaitement depuis un moment ; Max pouvait maintenant deviner ce que Poyu ou Kyra pensaient, mais c’était plus de la logique que de la réelle télépathie ; Kyra pouvait à présent faire varier sa température corporelle à l’envi.

A la fin de la journée, Max et Kyra quittèrent Poyu et le faux bordel, et se retrouvèrent dans un bar du même style que le Stabs’, mais plus près de leur nouvel appartement.
‘Ce soir je veille près de chez Lanwoe, et toi tu dors, ok ?’ demanda Max.
‘Comme tu veux… mais demain tu va être HS ! J’arrive presque à tenir une semaine sans dormir tu sais.’
‘Non, mais je préfère quand même y aller en premier, tu m’en veux pas ?’
‘Nan, du tout !’ Dit Kyra en souriant.
Ils mangèrent rapidement, et rentrèrent chez eux. Max prit une douche et se changea, pendant que Kyra se forçait à maîtriser son pouls. Elle faisait beaucoup de progrès, mais son rythme cardiaque était toujours impossible à retenir. Max sortit de la salle de bains habillé, ce qui empêcha Kyra de s’exercer sur une vraie émotion forte.
‘Bon, j’y vais. Le vieux doit être en train de manger maintenant.’ Dit Max en regardant sa montre. Kyra se releva, et ne sachant que faire pour encourager Max, elle lui fit un bisou sur la joue.
‘Bonne chance.’
‘Ca se passera bien, Kyra, je fais que regarder !’ répondit Max.
‘On ne sait jamais ! Et puis, c’est ta première mission, fait un vœu !’ dit-elle en souriant. ‘ Et n’oublie pas de revenir demain avant huit heures, sinon t’aura pas de brioche !’
Les deux jeunes rièrent, et Max Karue passa la porte de l’appartement, laissant Kyra seule.

Lanwoe rentra vers vingt-trois heures, sous le regard scrutateur de Max. Celui-ci était posté derrière un arbuste du jardin. Il était équipé de jumelles infra-rouge à longue distance, et à son côté était suspendu un pistolet à rayons paralysants, au cas où. Son sac, posé près de ses genoux renfermait quelques petites astuces trouvées au hasard des marchés, et souvent, fournies par Poyu lui-même. Lanwoe partit dans sa salle de bains, en ressorti en tunique noire, qui contrastait avec la traditionnelle blouse blanche des Phy. Lanwoe alluma son ordinateur personnel, dont l’écran s’affichait sur tout un pan du mur du salon. Mais avant que Max puisse voir ce que Lanwoe mijotait, celui-ci baissa les lourds rideaux de fer de sa maison.
‘Et merde… c’était trop facile, je me disais bien…’ se dit Max. Il chercha sans son sac et trouva des lentilles capables de voir à travers les murs. Il les aposa sur ses jumelles, et tourna de nouveau son regard vers le salon de Lanwoe. ‘Quelle invention ces lentilles…’ pensa Max. Le vieux Phy était courbé devant son holoclavier, et Max pouvait voir qu’il parlait. Certainement une holoconférence. Karue voyait tout ce qu’il faisait, et se demandait ce que Poyu penserait si il était là.
Lanwoe travaillait apparemment sur un projet d’armement à grande échelle. Max voyait défiler les différentes bombes mises au point par un petit groupe de Physiciens : décharges soniques, tornades artificielles et autres déclencheurs de raz de marée. La liste était longue, et Max eut soudain envie de vomir. De telles armes ne serviraient pas à se défendre. La seule logique à ce qu’un Phy isolé, ou même une poignée de Phy, détiennent ces plans était le contrôle. Le pouvoir absolu sur les hommes, sur la Terre, sur la nature.
Le manège de Lanwoe continua jusqu’à une heure du matin environ, et à ce moment, Max décida qu’il pourrait rentrer à l’appartement, et dès demain, annoncer à Kyra et Poyu ce que Lanwoe avait vraiment derrière la tête.

Le lendemain, Kyra avait comme instruction de fouiller la maison de Lanwoe, et notamment de copier les plans des armes sur lesquelles il travaillait. Elle devait donc s’infiltrer chez lui, pendant que Max continuerait son entraînement avec Poyu.
‘Ces plans sont d’une importance capitale’ dit celui-ci à Max.
‘Vous comptez les fabriquer et vous en servir ?’ demanda l’étudiant.
‘Non ! Non… ce serait la dernière chose à faire. Mais nous pouvons trouver les moyens de désactiver ou d’inhiber ces armes. Allez, il faut que tu saches ce à quoi je pense…’
Max et Poyu étaient assis en tailleur dans un entrepôt desaffecté de Carulia, l’un devant l’autre. Karue essayait de deviner la pensée de Poyu, mais c’était encore très difficile pour lui.
‘Vous pensez à… à Kyra ?’ demanda-t-il, peu sûr de lui-même.
‘Perdu ! Je pensais à Lee Loktar !’ répondit Poyu avec un sourire. ‘Avouez que vous étiez loin de la vérité !’
Max ria, et se reconcentra très vite, dans le but de réessayer. Il allait bien y arriver un jour !

Kyra, de son côté, était à présent entrée dans la maison vide de Lanwoe, et cherchait le mot de passe de son ordinateur. Elle sortit de sa besace un générateur de mot de passe, qui se présentait sous la forme d’un boîtier, reliable à n’importe quel ordinateur. Elle le brancha, et quelques minutes plus tard, l’accès lui fut autorisé. Kyra trouva rapidement les plans, et les copia sur mini-disque. ‘Hop, voilà, ça de fait…’ pensa-t-elle. Elle entra dans la salle de bains, et chercha un quelconque indice qui la renseignerai sur un point faible de Lanwoe. ‘Pas de médicaments, pas de dentier, pas de… de peigne ? Cool, il se coiffe par la physique !’ pensa-t-elle.
N’ayant rien trouvé de plus, Kyra quitta le domicile de Lanwoe sans un bruit, et retrouva Max dans un bar du quartier chaud de Carulia.

‘ C’était bien ta journée ?’ lui demanda-t-elle en s’asseyant à sa table.
‘Tu parles… j’arrive pas à savoir ce que Poyu pense… C’est un vrai nid à foutoir son cerveau !’. Les deux jeunes rièrent. Un grand serveur apparemment amical leur demanda ce qu’ils voulaient boire. Max se commanda une vodka caruloise, Kyra préféra son alcool de fruits de Palte. Max continua de parler.
‘J’ai même confondu un chat avec l’Académie Analya… t’imagines ? Alors d’ici au moment où je pourrais lire clair dans les pensées de n’importe qui, y’a du chemin !’
‘De mon côté j’ai trouvé ça cool d’aller fouiller chez l’autre !’
‘T’a pas foutu le bazar quand même ?’ Max avait une petite mine inquiète.
‘Non, t’inquiètes pas. J’ai récupéré les plans. Faudra les donner demain au Vieux. Me demande ce qu’il va en penser.’ Kyra regarda dans son verre, d’un air un peu léger.
‘Ce gars là est taré… des tornades artificielles, tu te rend compte ? Et des destructeurs de forêt, soit disant pour défricher plus vite, ou forcer les armées ennemies à se montrer !’ dit Max, se révoltant contre tant de machiavélisme.
‘Tu crois que le Vieux nous donnera l’autorisation de le buter ?’ demanda Kyra, regardant Max dans les yeux. Elle avait un peu peur d’une réponse affirmative à cette question. Elle ne se voyait pas tuer quelqu’un… sauf peut-être Lee.
‘Certainement… Enfin, j’aimerai bien. Ces fous ne sont plus des êtres humains pour se comporter de telle façon !’ Max prit une gorgée de son breuvage, et jeta un œil dehors un instant. A ce moment, une sensation à la fois curieuse et familière le prit. Il se pencha sur la table et dit tout bas à Kyra :
‘ Le Vieux est dans le coin !’
‘Cool, je vais pouvoir lui demander ce que l’on fait…’ Kyra se retourna de tous les côtés en le cherchant, mais bien entendu, c’est dur de repérer quelqu’un qui est invisible.
Bientôt, une main transparente frôla Max. Une voix lui dit à son oreille :
‘Je récupère les plans que Kyra a volé… vous avez dors et déjà l’autorisation de supprimer Lanwoe.’
Max sauta presque de joie, tandis que Kyra voyait ses peurs faire surface. Comment tuer un homme ? Oh, bien sûr, Poyu leur avait appris les points faibles de tout corps humain, et ils connaissaient l’arme de Lanwoe : sa voix. Mais où trouverait-elle le courage ? Et puis si Max était si content, c’était certainement lui qui ferait ce sale boulot. Peut-être même y trouverait-il du plaisir. Kyra donna discrètement le mini-disque, qui devint invisible aussitôt touché par Poyu.
‘Bon… on fait ça quand ?’ demanda Max, débordant visiblement de joie.
‘Tu me déçois Max… On dirait un gosse qui vient d’avoir un jouet ! Calme-toi ! C’est pas une partie d’échecs Yaliens qu’on vient de te proposer !’ répliqua Kyra, un peu énervée par le comportement de Karue.
‘T’es qu’une rabat-joie… ce soir, non ?’
‘Ca me tue que tu sois si pressé ! Bon… si tu veux ! Mais laisse-moi finir mon verre, ok ?’
Max ria, ce qui eut pour effet de faire rire Kyra de même, mais elle était toujours un peu crispée. Max y trouverait certainement du plaisir, et cela la désolait au fond d’elle-même. ‘En plus, c’est même pas Lee qu’on peut tuer, c’est dégueulasse !’ pensa-t-elle en finissant son verre.
A peine les verres vides, Max et Kyra se mirent en route. Poyu, toujours invisible, les suivait. Il voulait être témoin de la scène, et retenir une hypothétique bavure.

Max avait senti Poyu, invisible, qui les suivait. Il n’en dit pas un mot, mais c’était clairement un avertissement. La mort de Lanwoe serait une exécution, pas une séance de torture. ‘Je vois pas pourquoi il nous suit lui… on va le buter, on va pas le démembrer avant !’ pensa Max. Il tenta de percer le mystère des pensées de Poyu, mais c’était comme se heurter à un mur. Max essaya sur Kyra, et à la place d’un mur, il eut un voile. Mais il n’y comprenait toujours rien. Sa spécialité devait encore être sérieusement travaillée, d’autant plus que Kyra, elle, savait au moins contrôler sa température corporelle.
Max, Kyra et Poyu, toujours invisible derrière eux, arrivèrent chez Lanwoe. Les deux premiers s’infiltrèrent dans le jardin tandis que le dernier resta dans la rue. Max sortit discrètement son flingue, un modèle assez lourd, dont les balles éclataient en libérant de l’énergie électrique. Kyra avait son Grilleur, mais elle ne s’en servirait certainement pas.
‘Je reste là à faire le guet, Max ! ‘ murmura Kyra dans les jardins.
‘Comme tu veux…’ dit Max.
Il entra dans la maison par derrière et arma son pistolet. Il fouilla la maison à la recherche de Lanwoe. Personne dans la cuisine, pareil pour la salle de bains et les chambres. Max descendit discrètement dans le salon. Ses pas s’entendaient à peine. Max ne respirait presque plus. Soudain…

Lanwoe n’eut pas le temps de comprendre. Max était apparu en éclair, et lui tira rapidement dans la poitrine, lui éclatant le cœur sans pitié. Le Phy, le puissant Lanwoe était maintenant mort. Il fallu un temps à Max pour qu’il s’en rende bien compte. Il avait tué un Phy, et que ressentait-il ? De la pitié ? Du dégoût ? Du plaisir ? Même Max n’aurait pu répondre à cette question, car il n’avait rien ressenti. Il sortit rapidement de la maison, rejoint Kyra, et partirent sans un mot vers leur appartement. Cette mission était tout à fait sérieuse, Kyra venait juste de le réaliser.

‘On doit retrouver le vieux dans le quartier des affaires aujourd’hui Kyra. Du côté du Stabs’, sur la 9e avenue de Carulia.’ Dit Max, le lendemain, au petit-déjeuner.
‘Il va pas encore nous demander d’en buter un ?’ demanda Kyra, toujours choquée. ‘Si seulement Lee était un Phy… lui je le tuerais de mes mains !’
‘Techniquement, Lee n’a rien fait…’ répliqua Max avec un sourire.
‘M’en fiche !!! Lui, je lui enverrai l’acide, les flammes et l’électricité d’un coup !’
Soudain intéressé, Max redevint un peu sérieux.
‘Tu peux ? Ca fusille pas Grilleur ?’
‘Nan, y’a une sécurité à ce niveau, tu peux mettre la gomme comme tu veux.’
Max prit encore un bout de brioche, et partit se laver. Kyra, déjà prête et habillée, débarrassa la table d’un air absent. Ensuite, elle alla chercher Grilleur dans sa chambre, et l’accrocha à sa ceinture. Max sortit de la salle de bains à ce moment. Il partit lui-même chercher son pistolet à rayons paralysants. Les deux acolytes passèrent la porte de leur appartement, direction 9e Avenue.

Poyu les attendait déjà à leur arrivée. Comme à son habitude, il était assis en tailleur au milieu de la pièce vide. Max et Kyra vinrent s’asseoir près de lui, et attendirent qu’il dise le premier mot, selon les coutumes des Phy.
‘ Bonjour, mes enfants… Je vous remercie pour votre action d’hier. J’ai analysé les plans en vitesse, et beaucoup d’armes peuvent être rendues inefficaces grâce à des procédés plus ou moins simples. Je dois vous annoncez quelque chose.’
Max et Kyra se regardèrent un instant, se demandant bien ce que le Vieux allait inventer. Poyu tourna un regard grave et dit très sérieusement :
‘ Les Physiciens Garozun, Zoerilam, Don Turis, Nai et Casterio sont mêlés à cette affaire d’armements. Il vous faudra les supprimer aussi j’en ai peur.’
Kyra faillit sauter de joie en entendant qu’elle devrait peut-être tuer Don Turis, ce vieux shnok qui chouchoutait Lee et trouvait toujours un truc à dire sur elle ou Max. Quant à celui-ci, il planait et n’était pas vraiment là. Tuer ? Oui, pourquoi pas. Poyu leur expliquait maintenant l’ordre stratégique dans lequel ils devraient agir.
‘Vous commencerez par Zoerilam. Il est en ce moment isolé, pas très loin d’ici, dans la ville portuaire de Santoris. Il habite la seule maison à étage de toute la ville, vous le trouverez aisément.’
Kyra prit note de ces détails, et se dit qu’elle pourrait le faire seule après tout. Le dégoût qui l’avait pris la veille ne devait pas revenir. Cela risquait de faire foirer la mission.
‘Ensuite, Garozun. Il est logé près d’Analya, sur la 3e rue. Il n’a pas prévu de sortie pour les deux semaines à venir. Ces deux Phy morts, on verra ensuite lequel des autres tuer.’
Au pied de Poyu se trouvait un générateur d’hologramme que ni Max ni Kyra n’avait remarqué. Le Vieux appuya sur un bouton et aussitôt on put voir un vieil homme, au milieu de son jardin. Il semblait en prendre un très grand soin. Poyu reprit la parole à ce moment :
‘ Ce Phy est très dangereux. Zoerilam a la maîtrise des végétaux, et commande à sa centaine de plantes carnivores, réparties dans son jardin et sa maison. Il vous faudra être prudents.’
Poyu appuya sur un autre bouton, et on vit un autre homme, plus droit, plus jeune, et plus fin aussi.
‘Garozun a du pouvoir sur le climat, mais à moins d’une grande colère, il a toujours eu du mal à s’en servir. Néanmoins, soyez très vigilants, c’est un tireur d’élite.’
Les deux jeunes gens ne furent ni apeurés, ni choqués de ce qui les attendait. Max fut même très impatient. Mais cette journée allait être consacrée notamment à la maîtrise des spécialités des anciens étudiants.

A la fin d’une épuisante journée, Max devait admettre que malgré des progrès fulgurants dans sa spé, il était toujours incapable de lire les pensées de Poyu clairement. Kyra elle, commençait sérieusement à pouvoir accélérer son pouls ou le ralentir, mais sans jamais être précise. Poyu leur avait aussi donné une arme à feu trafiquée pour détruire les plantes carnivores de Zoerilam. Elle était directement revenue à Max, même si Kyra pensait sérieusement à s’occuper de cette affaire. Elle en avait parlé à Max, et apparemment, il n’y aurait aucun problème. Ils y iraient à deux, et qui vivra verra.
Vers minuit, le lendemain, Kyra et Max approchaient de Santoris. Ils virent rapidement la seule demeure à plus d’un étage, et surent que c’était là que Zoerilam se terrait. Arrivés dans la rue, ils furent abasourdis par les dimensions de ses plantes.
‘Il a du les trafiquer pour qu’elles soient si grandes…’ dit Kyra à voix basse.
‘C’est un Phy, t’a oublié ? Les Phy trafiquent toujours tout.’ Répliqua Max. Il sortit l’arme de Poyu, et la donna à Kyra. ‘Je fais le guet cette fois. Le loupe pas ok… J’ai pas envie que tu te fasses avaler par ces monstres.’
Kyra prit l’arme et ne répondit rien. Elle était très nerveuse et anxieuse, mais après tout, Max l’avait déjà fait, c’était maintenant à son tour.
Ils entrèrent dans le jardin, pour l’instant très calme. Plusieurs plantes faisaient cinq mètres de haut, et la gueule de la plus grande fleur pouvait aisément contenir cinq hommes. Ils avançaient prudemment, et bientôt, Kyra prit Grilleur dans sa main gauche. Max avait pour sa part la même arme qui avait tué Lanwoe : un FT-15, arme massive, dont les balles éclataient en électrocutant la victime.
‘Entre… je reste dans les jardins…’ dit Max à voix basse.
Mais un bruit s’était fait entendre. Kyra se retourna et vit une branche lui arriver en pleine face. Elle fut au sol pendant un moment, et se releva immédiatement. Elle tira avec l’anti-végétal de Poyu, et l’effet ne fut pas aussi puissant qu’elle l’aurait pensé : ça ne faisait que ralentir la plante, mais elle ne mourrait pas. Max lutta contre la panique qui envahissait son cœur : Zoerilam était ici, dans les jardins. Et il maîtrisait parfaitement ses pouvoirs.

‘Kyra ! Il est là ! Reste avec moi !’
Max prit le bras de son amie, qui était crispée sur ses armes. Les articulations de ses mains avaient blanchi, et ses lèvres étaient plus minces. La rage et la peur se lisaient sur son visage.
‘Allez, te laisse pas aller ! Je vais le buter !’ dit Max à l’oreille de Kyra.
Celle-ci ne réagit pas dans la seconde, Max dut la tirer pour qu’elle bouge enfin. Des branches, des tiges, des feuilles et autres mâchoires végétales pleuvaient à côté d’eux. Kyra, sortie de sa torpeur, tirait sur tout ce qui venait trop près d’elle. Elle commençait à savoir se servir de l’arme de Poyu. Max, quant à lui, ne tirait pas, car son FT-15 était conçu pour tuer des humains, non des plantes.

Soudain, ils l’aperçurent. Vieux Physicien dans sa blouse blanche, ses longs cheveux blancs descendant dans le dos, et sa barbe de mille jours, cachant un rictus des plus moqueur. Max n’eut pas le temps de le dire à Kyra, qui l’avait repéré aussi vite, sinon plus, que son camarade. Sans chercher à comprendre, elle tira une décharge électrique avec Grilleur. Elle visait très bien, et deux secondes plus tard, après avoir convulsé, le Phy tomba raide mort. ‘ 2 kilovolts dans ta face, vieux con !’ pensa Kyra. Max, lui, ne dit rien. Les plantes avaient cessé leurs mouvements incessants, et certaines moururent instantanément. Max et Kyra partirent au galop, en prenant toutefois soin de ne pas être vus.

A deux heures du matin, ils étaient enfin dans leur appartement, et Max prononça son premier mot depuis la mort de Zoerilam :
‘Pourquoi tu l’a tué ? T’aurais pas pu me laisser faire ? Toujours à gâcher le plaisir des autres…’
Kyra pensa avoir mal compris, et elle ne répondit pas tout de suite, ne sachant pas ce que Max voulait dire. Finalement, elle lui dit :
‘Quoi ? Tu m’engueules parce que je l’ai buté ? Même si c’était pas parti en sucette je l’aurais tué alors…’
Max avait les yeux d’un gris foncé presque insoutenable, mais Kyra le regarda bien en face. Il réfléchit un instant, et son amie put voir ses yeux se radoucir, et redevenir gris clair, leur couleur la plus neutre.
‘ Excuse-moi… je suis crevé, faut que je dorme. Bonne nuit.’
Kyra vit partir Max dans la chambre, et resta là ne sachant pas quoi penser. Avait-il pensé ce qu’il venait de dire ? Peut-être qu’on ne le saurait jamais. Elle partit se changer, le regard absent, l’esprit trop occupé par ce qu’il s’était passé cette nuit là. Puis, elle se coucha sur le canapé, et dormit d’un sommeil sans rêves.

L’assassinat de Garozun se passa encore moins bien que celui de Zoerilam. Max et Kyra entrèrent dans sa demeure vers une heure du matin la nuit suivante, et ils se disputèrent encore.
‘Le Vieux m’a confié la mission à moi au départ ! T’as fait que t’incruster !’ lui dit Max, sans se soucier du Phy qui dormait profondément à quelques mètres au dessus de lui.
‘Mais tais-toi… tu va le réveiller et on va encore être dans la merde !’ murmura Kyra, de plus en plus paniquée.
‘Laisse-moi le faire alors !’
‘Vas-y fais-le si ça t’amuse, mais ferme-la !’
Kyra était excédée de voir Max si énervé. C’était un meurtre pas un jeu ! Mais peut-être que pour lui c’était la même chose.
Max monta les escaliers et trouva le Phy endormi dans sa chambre. ‘C’est trop facile…’ se dit-il. Alors, il regarda Garozun, et pensa à tout le mal qu’il avait fait à la planète avec ses copains Physiciens. Entre Zoerilam qui maîtrisait les plantes et lui qui fait la pluie et le beau temps, la nature avait-elle encore son mot à dire ? Oui, car Max était là, son FT-15 chargé, et n’attendait plus que ses pensées se taisent pour tirer. Au bout de quelques minutes, son esprit ne se posa plus de questions, et il tira. Une balle ne lui suffisait pas. Il vida son chargeur sur le Phy. Mais Garozun était plus puissant que Max ou même Poyu l’avaient imaginé. En l’électrocutant, Max avait provoqué un réflexe propre à Garozun : une mini-tornade au-dessus de sa maison.

Depuis le départ de Max et Kyra, Lee pouvait se vanter d’être le meilleur élève d’Analya. Non pas qu’il ne le faisait pas avant, mais au moins, c’était fondé. Don Turis le savait, et c’était son élève préféré. Lee lui rappelait lui-même étant jeune : talentueux, ambitieux, un peu (très) arrogant, confiant en lui-même. Certes, Lee Loktar était très ambitieux, car la spécialité qu’il avait choisie n’était autre que la vie éternelle. Pour lui et les autres, mais bien sûr, d’abord pour sa propre personne. Le roux était en train d’étudier les mathématiques dans la salle commune de son dortoir, quand Don Turis entra.
‘Bonjour professeur !’ dit Lee, plein d’entrain.
Mais Don Turis n’avait pas son habituel petit sourire quand il voyait Lee. Celui-ci trouva cela bizarre mais ne dit rien. Le Phy s’approcha, et Lee put voir alors deux autres Phy entrer. Il ne les connaissait pas, et tout ceci lui fit extrêmement peur tout à coup. Don Turis lui murmura alors :
‘J’aimerai beaucoup que tu fasses des heures supplémentaires avec nous.’
Le Phy n’avait pas d’expression sur son visage, et les deux autres non plus. Lee, qui déjà avait une peau de roux, donc très blanche, devint encore plus pâle. Il allait se lever et s’enfuir, quand un des Phy tendit une main vers lui. Le rouquin ne pouvait plus bouger. L’autre Phy et Don Turis, vérifiant que personne ne pouvait les voir, emmenèrent Lee, ioniquement et atomiquement immobile, vers les caves d’Analya.

Poyu s’aperçut immédiatement que son nouveau meilleur élève avait disparu au tout début de son cours. Si Lee n’avait pas vraiment de respect pour ses camarades, il en avait beaucoup envers ses professeurs et n’était jamais en retard. De plus, Poyu n’avait pas croisé Don Turis dans les couloirs ce jour là. ‘Il se passe quelque chose…’ pensa-t-il. Il délaissa ses autres élèves, leur prétextant un oubli urgent, et alla vérifier sur les écrans de surveillance de son bureau que tout allait bien. Des élèves attendaient encore devant la porte de la salle de Chimie Ionique Physique, alors que Don Turis était très ponctuel. Lee n’était ni dans son dortoir, ni dans la bibliothèque. Quand Poyu regarda vers les caves, il n’y vit rien. Les caméras étaient obstruées. Gardant son calme, Poyu appela Kyra sur son oreillette de com, et lui expliqua ce qu’il savait. Puis, il alla faire son cours comme si rien ne s’était passé.

‘On fait quoi ?’ demanda Kyra. ‘C’est qu’un connard, qu’il crève avec les autres Phy !’
Max avoua être de l’avis de Kyra, mais au fond de lui, il sentait qu’il devait se faire pardonner de ce qu’il s’était passé chez Zoerilam et Garozun. Lee Loktar était un salaud première classe, mais dans cette affaire, c’était lui la victime. Oh, bien sûr, Poyu n’en était pas sûr, il ne pouvait pas affirmer que Lee avait été enlevé, ou bien qu’il avait fugué. Mais le directeur d’Analya a un grand sens de l’intuition, et ce n’est pas dans le genre de Lee de quitter une Académie mondiale qui lui permettra de devenir éternel. Max regarda Kyra dans les yeux. A ce moment, ceux du garçon étaient d’un bleu azur, très apaisant.
‘Il faut qu’on l’aide, même si c’est pas un enfant de chœur.’
‘Quoi ?!? T’es malade ? Ce rouquin aura le temps de pourrir cent millions d’années avant que j’aille l’aider !’ répliqua Kyra, très têtue sur cette question.
‘Bah fait ce que tu veux, mais Lee ou pas Lee, j’irait le sauver. Les Phy ont un plan en tête, et faut qu’on le leur pourrisse. Même s’il faut aider ce connard de rouquin pour ça.’
Max partit immédiatement accrocher son FT-15 à son ceinturon, et pris son sac à merveilles. Il regarda Kyra, et vit qu’elle se demandait ce qu’elle allait faire. Finalement, elle soupira, se leva, et pris Grilleur.
‘Jamais j’aurais cru que j’irai sauver ce bâtard ! C’est bien parce que c’est toi, et parce que les Physiciens me sortent par les trous de nez maintenant.’
Max avait réussi quelque part. Voilà que Kyra détestait elle aussi ces bêtes que sont les Phy. Une bonne chose, assurément. Max sourit devant la résignation de Kyra. Celle-ci prit également son sac et tous les deux sortirent de leur appartement.

Ils réussirent à entrer à Analya sans être vus assez aisément, et descendirent rapidement dans les caves.
‘T’entends ?’ murmura Max.
Kyra hocha la tête. La voix de Don Turis se faisait entendre. Deux autres voix lui parlaient mais Max et Kyra ne les connaissaient pas. Les anciens étudiants avancèrent en direction des voix, doucement et sans bruit. Quand une caisse explosa tout près de Kyra, l’envoyant voler à quelques mètres de là.
‘Merde ! J’ai marché dans un faisceau explosif !!! Ces connards ont piégé le coin !’ cria Kyra, ne craignant plus d’être repérée. Elle était à terre, blessée aux jambes et au bras droit. Elle s’était aussi ouverte à l’arcade et saignait abondamment. Elle lança Grilleur à Max, et lui dit :
‘Bute-les pour moi ! Je peux pas bouger !’
Max attrapa Grilleur sans rien dire, et fit face aux trois Phy devant lui. Bizarrement, il avait l’impression de savoir ce qu’ils allaient faire. ‘Tiens, peut-être que c’est Poyu qui a l’esprit tordu et pas moi qui suis nul !’. Il avait Grilleur dans sa main gauche et son FT-15 dans sa main droite. Par réflexe, il se plaça devant Kyra, pour la protéger. Il tira ensuite dans la poitrine du Phy de droite, Nai, qui allait l’immobiliser comme il l’avait fait à Lee. Mais il n’en eut pas le temps : il tomba, mort. Max tira aussi sur Don Turis avec Grilleur en mode décharge électrique, mais le Phy ne semblait rien sentir.
‘Idiot ! Ces décharges sont ioniques !’ déclara Don Turis avec un rictus. Il tendit ensuite la main droite, et Grilleur explosa dans la main de Max. Kyra, qui voyait tout ce qui se passait, cria :
‘Mon Grilleur !!! Connard tu vas me le payer !’
‘Putain ! Ma main est partie en poussière et elle m’engueule ?’ pensa Max. Mais Kyra pensait bien sûr à Don Turis. Max tira ensuite sur tout ce qu’il voyait : il tua l’autre Phy, qui n’était autre que Casterio, et blessa gravement Don Turis, qui dut battre en retraite, une balle lui ayant explosé le genou droit. Lee se tenait un peu plus loin, caché derrière une caisse de vieux livres. Puis, Max tomba, inconscient.

Quand Karue ouvrit les yeux, il vit un grand flou blanc, puis le visage amical de Poyu se profila.
‘Tu vas bien ?’ demanda celui-ci.
‘Hein ?... euh… ma main…’
‘J’ai vu. On peut pas faire grand-chose.’
A ce moment, Max remarqua qu’il n’était plus dans les caves d’Analya, mais dans une salle adjacente au bureau de Poyu. Aussitôt, il pensa à Kyra.
‘Et Kyra ! Elle va bien ? Elle est où ?’ demanda-t-il d’une voix frêle et chevrotante.
‘Calme-toi, Max, elle est dans une autre salle, tout près, et elle va s’en sortir. Je voulais te dire, bravo pour ton sauvetage miraculeux. Lee est en train de soigner Kyra. Il n’a pas une égratignure.’
Max sourit, parce qu’il ne pouvait pas éclater de rire, et répliqua à Poyu :
‘C’est bien le seul.’

La convalescence de Kyra et Max fut assez brève pour les blessures qu’ils avaient reçues, mais ils ne pouvaient pas rester indéfiniment au lit. Les médias publics avaient eu vent de l’incident à Analya, et on ne parlait partout que de cela. La population mondiale était divisée entre les deux camps. Un mois après l’enlèvement infructueux, Don Turis fit un discours sur la place publique de Carulia, sans que Poyu ou Max n’en soient avertis.
Dans ce discours, que les fidèles de Poyu considéraient comme un vulgaire ramassis de conneries et de mensonges éhontés, le Phy appelait ses confrères, les étudiants d’Analya et le reste de la population à se joindre à lui, pour mener ‘l’Ultime Défense’ contre Poyu, et Max Karue. A Analya tout le monde avait vu ce discours, retransmis en Terravision holographique. Kyra, Max, Poyu et Lee ne surent quoi en dire à la fin. Enfin, quelqu’un pris la parole :
‘Tu va devoir te mettre à la politique Max, je crois bien.’ Dit Kyra.
‘On est mal s’il s’y prend aussi bien que pour les sauvetages sauvages…’ murmura Lee.
‘Ta gueule le rouquin, on t’a pas sonné !’ répliqua Max.
‘C’est grâce à lui que t’es envie alors la ferme !’ lui dit Kyra.
Lee lança un regard indulgent à Poyu, qui ne lui répondit autre chose qu’un sourire gêné, et un air de dire :’Désolé Lee, mais ils ont raison’.
‘Mais je veux pas faire de discours, ça m’énerve déjà d’en entendre !’ répliqua Max. ‘Et puis je vais avoir l’air fin… manchot que je suis maintenant !’
Poyu secoua la tête, et plongea ses yeux dans ceux de Max, qui étaient vert foncé :
‘Faux. Cette main tronquée représente le sacrifice de toi-même. Et puis, contrairement à Don Turis, qui lui cache sa jambe de métal, toi, tu ne devras pas dissimuler ton bras gauche. Les gens te croiront plus sincère.’
‘Vous avez fait sciences po avant d’arriver à Analya ?’ demanda Lee, un sourire en coin sur le visage.
‘Non, j’ai juste beaucoup de bon sens.’ Répliqua celui-ci, avec une pointe d’ironie.
Max regarda une fois de plus son moignon. Même les meilleurs chirurgiens ne pourront rien faire : pas de greffe, ni organique, ni électronique. Alors, pourquoi pas s’en servir contre Don Turis et son Ultime Défense ? Son ego ne le voulait pas, mais Max se forcerait. Il leva la tête vers Poyu :
‘Bon… si vous le dites…’
‘Gentil garçon !!!’ s’écria Lee, avec une grande ironie.
Kyra ne put se retenir et mit une baffe au roux, qui était en train de se fendre la pipe à s’en rouler par terre.
‘T’es vraiment trop nul Lee ! Grandis un peu merde !’ lui cria Kyra.
‘Rho ça va…’ répondit celui-ci, frottant sa joue douloureuse.
‘Peut-être qu’il aime que tu lui envoies des baffes et que tu lui dises plein de choses méchantes…’ lança Max, avec un grand sourire.
Kyra et lui ne purent s’empêcher d’éclater de rire, en regardant le visage de Lee, si rouge qu’on aurait dit qu’il allait exploser. Poyu, quant à lui, se contenta de soupirer en secouant la tête.

‘ …Cela fait trop longtemps que vous subissez les mauvais jugements et les actes insouciants des Physiciens de ce monde ! Rejoignez les rangs du grand Rassemblement, et luttons ensemble contre ces pilleurs de la planète !’
Kyra resta bouche bée. Elle n’aurait jamais cru que Max put tenir un discours si brillant. Bien sûr, Poyu l’avait assisté au niveau du texte, mais la voix de Karue était si entraînante, si sincère… N’importe qui aurait applaudit et l’aurait acclamé. D’ailleurs, les personnes présentes ce jour là sur la Place Centrale de Carulia ont applaudi et acclamé Max. La situation n’était peut-être pas si désespérée. Max revint vers Poyu, Kyra et Lee, avec un sourire qu’il voulait discret, mais qu’il avait beaucoup de mal à cacher.
‘Alors… c’était bien ?’
‘Génial !’ répondit immédiatement Kyra.
‘Tu pourrais mieux faire quand même…’ dit Lee, un peu jaloux de la place de leader qu’occupait à présent Max. Ses sentiments envers lui n’avaient pas trop changés, si ce n’est qu’il l’aimait encore moins du fait de la dette qu’il avait envers lui. Il lui avait sauvé la vie, et avait sacrifié une de ses mains, et ça, Lee Loktar ne pouvait le nier.
Poyu resta silencieux. Les coutumes de l’époque voulaient que le silence soit le plus beau compliment qu’on puisse offrir.
‘Une grande partie des gens, et peut-être même quelques Phy vont te suivre, Max. C’était très réussi.’ Dit-il finalement.
‘Des Phy ?’ demanda Max, plutôt perplexe.
‘Oui… tu sais, je suis un Phy aussi moi. Et tous les Phy ne s’approuvent pas entre eux. Ce qu’ont fait Zoerilam, Lanwoe, Don Turis, Garozun, Nai et Casterio est tout à fait condamnable, et même certains Physiciens le reconnaissent.’
Max ne répondit rien. Kyra le regardait d’un air dubitatif. Max avait beaucoup trop l’habitude de mettre tous les œufs dans le même panier, ce qui donna un frisson à la jeune femme quand elle pensa à ce qu’il pourrait faire… involontairement.
‘T’en fais pas Kyra, je vais pas buter mes amis.’
‘J’aime pas quand tu fais ça tu le sais très bien…’ répliqua Kyra, vexée. Max avait pas mal avancé dans sa spécialité et maintenant, il pouvait aisément lire les pensées de personnes telles que Kyra ou Lee. Mais Poyu restait toujours un problème majeur. De plus, les pensées profondes, que même la personne concernée n’avait pas conscience, lui échappaient toujours. Pourtant, ces pensées insconcientes peuvent aider à trouver le point faible d’un adversaire.

La vie de tout ce beau monde se réorganisa entre entraînement, même pour Lee, qui faisait de jolis progrès, politique et missions clandestines. En vérité, les grands de ce monde étaient plutôt des Défenseurs, et non des Rassemblés. Ce qui rendait la tâche de Max, Lee et Kyra un peu plus ardue. Les sabotages, enlèvements, exécutions étaient monnaie courante à présent. Néanmoins, Poyu laissait plus souvent Kyra éxecuter certaines personnes, car il avait prit conscience que Max avait un goût plutôt malsain pour ce genre de choses.
Officiellement, les deux ‘partis’ bien qu’il n’y ait aucune réelle compétition politique, se châmaillaient ferme, et l’opinion publique ne savait pas vraiment où donner de la tête, même si de plus en plus de personnes se réunissaient sous la bannière de Max Karue ‘Le Manchot’. Quelques grands scientifiques et Physiciens avaient rejoints ainsi Poyu, et l’un d’eux avait trouvé une chose extraordinaire, et qui pourrait changer la donne pour la planète entière.
‘Entrez.’
Poyu se tenait derrière son bureau, dans le quartier général du Rassemblement, et regardait entrer Lee Loktar, Kyra Sapheer et Max Karue avec intérêt. Son ton était très grave.
‘ Nous avons fait une découverte. D’aucuns la jugeront excellente et seront prompts à s’en servir. Néanmoins, j’ai beaucoup de doutes quant à l’utilisation d’une telle arme.’
Max n’en pouvait plus d’impatience, et demanda à Poyu :
‘Une arme ? Quelle arme ?’
Un peu contrarié, Poyu lui répondit immédiatement :
‘ Un moyen de décupler les pouvoirs Phy. Un alliage de platine et d’un métal extraterrestre trouvé dans une météorite échouée sur Terre.’
Les trois jeunes gens avaient du mal à retenir leur mâchoire inférieure, et Max souriait ostensiblement. Poyu continua :
‘ Cet alliage, appelé APM pour aller plus vite, et a un certain effet sur l’attraction gravitationnelle qui est, vous le savez, la clé de la Physique telle que nous la connaissons.’
‘ Où se trouve cet APM ?’ demanda Kyra, encore dubitative.
‘ Nos informateurs nous indiquent qu’on le trouve dans le grand Labo indépendant de Mar Deeron.’
Kyra, Lee et Max oublèrent leurs sourires et blanchirent légèrement. Mar Deeron était, en plus d’être aux antipodes, une contrée hostile, peuplées par de nombreux animaux féroces. Cette principauté indépendante était une oasis au beau milieu du désert, entourée de murailles, non pour se protéger d’une éventuelle armée ennemie, mais des voraces dragons désertiques, dont la population était dense à Mar Deeron.
Max fut le premier à reprendre la parole :
‘ C’est pas quelques bestioles et la chaleur qui va nous arrêter…’
‘ Fais ce que tu veux, moi j’y vais pas !’ dit Lee.
‘ On t’a rien demandé à toi le rouquin !’ répliqua Max avec véhémence.
‘ Ca suffit Max ! C’est quand tu va arrêter ces gamineries ?’ s’écria Poyu, excédé. ‘ Il faudrait qu’on y aille tous ensemble, ce serait la meilleure chose à faire.’
‘ Poyu a raison…’ dit Kyra ‘ Et sur la route, si vous pouviez vous éviter les noms d’oiseaux, ça me fera des vacances !’
Sans dire ni au revoir, ni prévenir, Kyra sortit de la pièce, passant entre Lee et Max, qui se regardaient d’un air à la fois méfiant et perplexe.
‘ Je ne sais pas non plus ce qui se passe dans sa tête, Lee, parce qu’elle ne le sait pas elle-même.’ Dit Max, d’un ton monotone.
Poyu le regarda et d’un air réprobateur lui lança :
‘ Tu pourrais prévenir avant d’utiliser ton pouvoir !’
Max ne dit rien, et après une tentative infructueuse pour savoir ce que pensait Poyu, s’en alla lui aussi de la pièce.
‘ Lee ? Tu pourrais rester, j’aimerais te faire travailler ton pouvoir, il peut avoir une vertu guérisseuse pour nous. Ce serait très utile pour ce voyage à Mar Deeron. Sans compter que nous ne serons pêut-être pas les seuls.’
‘ Vous voulez dire que Turis aussi connaît l’existence de l’APM ?’
‘ Oui, ou bien il en aura connaissance un jour. On partira demain, c’est le mieux à faire. Allez, assis-toi, et concentre-toi.’
Lee s’assit en tailleur, comme à l’habitude des Phy, et Poyu lui ouvrit la main, ainsi que la sienne.
‘ Aïe ! Ca fait mal !!!’ cria Lee.
‘ Allez, petite nature, essaie de nous guérir.’ Dit Poyu avec un sourire.

La chaleur les assommait littéralement. En descendant du vaisseau aérien basse-altitude (que tout le monde appelait le Vaba), la température avait prit tout le monde à la gorge. Lee contrôlait, ou essayait, les brûlures du soleil, tout comme Poyu, qui avait le pouvoir de régénération. Kyra ne devait que se concentrer légèrement pour baisser sa température intérieure. Max, lui ne pouvait que râler, ce dont il ne se privait pas.
‘ Pas vrai, comment ils font les gens pour vivre ici ???’
‘ Ils subissent, comme tous les êtres vivants, Max. L’adaptation est un facteur essentiel à la survie.’ Répondit Poyu.
Les quatres personnes marchaient dans Mar Deeron, à la recherche du Grand Laboratoire.
‘ La survie… pourquoi toujours ce mot… ‘survie’. Notre but c’est de mourir, alors pourquoi repousser l’échéance ?’ répliqua Max.
‘ Ce sont de sombres paroles que celles-ci, Max. Il y a la vie avant la mort, alors vit l’une avant de t’intéresser à l’autre.’
Kyra était un peu plus inquiète par les paroles de Max, et se demandait à quoi il pensait. « Si seulement j’avais son pouvoir ! »
‘ Tu trouverais ça marrant au début, et puis après tu ne voudrais même plus savoir…’ répondit Max.
‘ Pourquoi tu lis toujours MES pensées ???’
‘ Je sais pas… c’est les plus intéressantes. Lee ne sait pas penser et Poyu pense trop pour que je puisse déchiffrer.’
‘ Arrête de rabaisser Lee !!!’ cria Kyra.
‘ C’est pas ce minable qui va me rabaisser Kyra !’
‘ Minable toi-même, espèce de connard !’
‘ STOP ! Non mais vous avez quel âge ? Comportez-vous comme les adultes que vous êtes censés être, bon sang !’ dit Poyu.
Cette réplique cinglante mit fin à la conversation. Surtout qu’ils étaient maintenant en vue du Grand Laboratoire Deerosien.

Poyu donna les ordres à voix basse. Kyra et Lee entreraient par le toit, tandis que Poyu et Max passeraient par les égouts. « Encore la chance ! » pensa Karue. Le bâtiment était en fait une sorte de pointe tendue vers le ciel, bien qu’il n’était pas aussi haut qu’on pourrait le croire. En fait, il avait plus de sous-sols que d’étages, car on lui avait appliqué le principe de l’iceberg, principalement à cause de la chaleur torride de Mar Deeron.
Lee et Kyra commencèrent l’ascension du bâtiment dans un coin discret. Poyu et Max arrivèrent avec plus de facilités et moins de bonnes odeurs, à entrer dans le bâtiment. Max avait son fidèle FT-15 à la main, tandis que Poyu s’était automatiquement rendu invisible. Max tuait pratriquement tout ce qui avait le malheur d’être organique, et heureusement que le FT-15 avait un mode super silencieux, sinon ils auraient déjà été repérés. Ils arrivèrent très vite dans les locaux sécurisés, et firent une rencontre à laquelle ils ne s’attendaient pas.
‘ Max Karue… J’aurais du m’en douter. Entrez, mon cher ancien élève.’
La voix doucereuse de Don Turis donnait la nausée à Max. Le Physicien se tenait, imposant malgré sa fine stature, et le jeune homme put voir une pépite de l’Alliage Platine-Météorite sur une table tout au fond de la salle. Sachant ce que Turis allait faire, Max courut sur lui, le mit à terre et lui pointa son FT-15 sur la tempe.
‘ Encore cette arme ? Je t’ai déjà dit que les décharges ioniques n’avaient aucun effet sur moi !’ dit Don Turis.
Max hésita un moment, et puis releva la tête, cherchant son mentor en pensée. Poyu, prit discrètement la pépite et s’approcha de Turis et Max. Les décharges ioniques du FT-15 de Max ne pouvaient rien contre Don Turis. Poyu usa de son dernier tour, pouvoir qu’il utilisait rarement, mais qui se révélerait utile. Il pensa alors clairement, pour que Max puisse le comprendre : « Je vais transférer vos pouvoirs… concentre tous les ions qui sont dans son corps sur son cerveau. Ca le tuera. » Poyu répéta plusieurs fois ces phrases intérieurement avant de faire le transfert. Don Turis sut qu’il allait mourir en entendant les pensées de Max si clairement.
‘ Non… ça ne se peut pas…’ murmura Don Turis.
Puis, ce fut comme s’il fut débranché.

‘ Allez, il faut partir…’ murmura Poyu.
Mais aussitôt, une vingtaine de militaires Deerosiens entrèrent, et pointèrent leurs fusils à balles explosives sur Max. Poyu, qui en temps normal n’aurait pas pu effectuer un si grand transfert sans se rendre visible, était resté caché à la vue des deerosiens. L’APM avait donc le pouvoir qu’on lui attribuait. Il se rapprocha de Max et lui glissa doucement l’APM dans la poche. Poyu dut faire un effort considérable pour rester invisible, mais Max, ayant encore le pouvoir de contrôler les ions, usa de la même technique pour tuer instantanément une dizaine des soldats. Les dix autres furent massacrés par Lee et Kyra, qui les avaient maintenant rejoints.
‘ On se casse, vite…’ dit Kyra.
‘ Par les égouts.’ Dit la voix de Poyu, qui était près de la porte de la cage d’escalier. Ils dévalèrent les escaliers à une vitesse incroyable, et passèrent par les égouts.

‘ Hum… charmant.’ Murmura Lee.
‘ Si t’es pas content je te plonge la tête dedans !’ répliqua Max.
Poyu et Kyra ne firent que soupirer, ne sachant plus quoi dire. Le petit groupe avançait péniblement, et les odeurs se faisaient toujours plus fortes. Soudain Poyu montra une échelle.
‘ Je pense qu’on est assez loin du centre pour remonter en sécurité.’
Max monta en dernier, et quelque chose lui fit sortir son FT-15 de son étui. Il eut raison, car on leur avait tendu une embuscade. Des partisans de l’Ultime Défense, ignorant certainement que leur leader était maintenant mort, les tenaient en joue. Lee n’osa même pas bouger, trop traumatisé par sa prise d’otage. Kyra pointait ses deux flingues vers eux, et Max tenait fermement son FT-15. Poyu se contentait de sourire en coin, comme il le faisait quand il avait une idée derrière la tête.
« Pourvu qu’ils ne le tuent pas… pourvu qu’il ne meurt pas… » pensait Kyra. La peur se lisait dans ses yeux, mais Max préférait la lire dans ses pensées. Puis, comme il savait quand Kyra allait tirer, il tira en même temps. Une balle traversa un des Défenseurs en plein dans le cœur, et le choc électrique fut inutile. Dans la confusion, Poyu se rendit invisible, et sortant une arme, qu’il avait soigneusement cachée, il tira lui aussi. Mais les ennemis étaient trop nombreux. Bientôt, un Vaba vint les chercher, sans qu’aucun d’eux ne comprennent. Ils étaient venus à Mar Deeron comme touristes. Ils montèrent à bord, et trouvèrent un des grands dirigeants mondiaux. Il disait s’être rallié à leur cause… Kyra et Lee le crurent sur parole, même s’ils restaient méfiants, mais Poyu savait par instinct que c’était faux, et Max lisait dans ce politique comme dans un livre ouvert.
‘ Il va nous tendre un piège près des montagnes.’ Murmura Max à Poyu, Kyra et Lee, sans que personne d’autre ne l’entende.
‘ T’en es sûr ?’ demanda Kyra.
‘ Ouais… aussi sûr que…’
Mais Max ne finit pas sa phrase. Il se contenta de regarder Lee, et puis, se tournant vers Poyu, il exposa son plan. Il était très simple en vérité : tuer tout le monde à bord et prendre les commandes du Vaba.
‘ Tu sais piloter ce truc ?’ questionna Lee.
‘ Non mais…’
‘ Moi je sais.’ Dit Poyu. ‘J’ai travaillé à son concept. Il est conçu pour se piloter très facilement.’

Le plan se passa comme prévu, et Max se fit un plaisir de descendre tout le monde, et de faire mourir l’éminent dirigeant dans d’atroces souffrances, ce qui eut le don d’agacer Poyu et d’attrister Kyra.
Lee, Kyra, Poyu et Max rentrèrent ainsi à Carulia dans un Vaba plutôt sale, que les partisans du Rassemblement s’efforcèrent de dissimuler au reste de la population encore indécise. Un orfèvre connu ayant rejoint les rangs de Karue, du nom de Fisto, se fit une joie de lui confectionner un collier avec la pépite d’APM. En quelques jours seulement, il fut terminé. On le donna naturellement à Max, chose que Lee et Kyra redoutaient un peu. Visuellement, il lui allait très bien : sa couleur gris-argent mettait en valeur une peau plutôt bronzée, et Fisto l’avait conçu pour qu’il soit très discret sous les vêtements. Le pendentif était très plat, presque comme une feuille de papier, et articulé pour coller parfaitement à la peau de Karue.
Don Turis étant mort, et l’Ultime Défense fortement affaiblie, alors que Max Karue, lui, avait décuplé ses pouvoirs de Phy, la balance avait maintenant penchée. La population se tournait à présent presqu’à l’unanimité vers les Rassemblés. Et Max se faisait un plaisir de pourchasser ceux qui pensaient encore que les Physiciens devaient contrôler l’univers. Sa télépathie décuplée, il pouvait lire les pires mensonges, et les plus horribles choses que chaque personne avait caché ou refoulé. Et quand il s’agissait de viol, de pédophilie, de meurtres ou d’amitié avec les Défenseurs, il se dispensait de tout jugement extérieur pour éxecuter la personne.

Kyra et Lee étaient assis sur un banc d’Analya, en train de discuter quand Max arriva. Ils le virent, et soudain, la conversation se coupa.
‘Je vous gêne, non ?’ demanda Max.
‘Non non… qu’est-ce que tu va chercher là ?’ dit Kyra.
‘Ce n’est pas la peine de me mentir Kyra. Je sais ce que vous pensez vous deux.’
Une curieuse lueur de folie et de colère apparut dans les yeux de Max, d’un noir de jais, et les deux autres eurent de plus en plus peur. S’il savait… ils n’allaient peut-être pas s’en sortir. Oh… bien sûr, il n’y avait jamais eu quelque chose de très explicite entre Kyra et Max, mais il verrait dans une liaison entre Lee et Kyra une véritable trahison. Et c’est ce qu’il voyait, c’est ce qu’il pensait. Ne sachant pas quoi faire dans l’immédiat, de peur de regretter plus tard, il partit sans rien dire, ses yeux ayant tournés au rouge.

Kyra ne sut quoi faire en entendant cette nuit là Max hurler dans la cour, croyant tout le monde endormi. Il se défoulait comme il le pouvait, et chaque cri était un percement dans le cœur de Kyra. Mais qu’y pouvait-elle si celui-ci battait pour Lee et non pour Max ? Ce dernier était si impulsif, si prétentieux, si… absolu ! Lee avait grandi grâce aux évènements tragiques qui s’étaient produits, mais il semblait aux yeux de Kyra qu’ils avaient eu l’effet inverse sur Max. Il retombait lamentablement en enfance ; il était capricieux et susceptible. Kyra eut un frisson en pensant au fait qu’il portait autour du cou une chose qui décuplait ses pouvoirs. Elle se dit qu’elle devait faire quelque chose. Même si elle n’en était pas sûre, elle savait qu’il était capable de commettre des actes plus horribles que ne le permettait son imagination. Il l’avait certainement déjà fait. Elle se souvenait du malin plaisir que Max ressentait en tuant quelqu’un. Ne lui suffisait-il pas d’une petite excuse pour ressentir de nouveau cette extase ?

‘Poyu ! Poyu il faut que je vous parle ! C’est urgent !’
Kyra avait pris soin de vérifier si Lee ou pire, Max, étaient dans les environs avant de demander à parler au Physicien le plus doué du monde. Celui-ci se tourna vers elle, et d’un air dubitatif, hocha la tête.
‘ En privé, je préférerais… entre quatre yeux.’ La peur se lisait sur son visage. Poyu acquiesca, et l’emmena dans son bureau.

[Dernière modification : sam. 6 août 2005]

Le Combat – Univers du Forum

Cartes :

Spoiler:

I - Le Contrôle

Carulia


Près de la grande mer intérieure se dresse la cité luxuriante de Carulia, la capitale mondiale. Elle réunit plusieurs millions d'habitants, tous unis par une même langue, une même culture et un même objectif: découvrir les secrets de la nature. Car tous les humains à cette époque étaient sujets à une soif de savoir insatiable. Les meilleurs d'entre eux pouvaient tenter de devenir Physicien à la grande école Analya: la seule sur Terre à les former.
Analya


Avec un rapport de cinq mille candidats pour cent places à l'entrée et de dix diplômés sur cinquante à la sortie, être Physicien n'est pas donné à tout le monde. Même recalés, ils trouvent de bonnes places dans la société terrienne, devenant professeurs à Analya ou scientifique pour telle ou telle entreprise. Nombreux étaient ceux qui intégraient la Défense, et contribuaient à développer des armes toujours plus sophistiquées et efficaces.
Ceux qui n'étaient pas recalés recevaient tous les honneurs de grands de ce monde, et finissaient souvent parmi eux, en tant que grand chef politique. Mais plus souvent, ces heureux diplômés souhaitaient rester à Analya, en tant que professeurs ou chercheurs.
Cette académie se dresse fièrement au milieu de la capitale mondiale, tel un château. Elle est dotée de plusieurs grandes tours, dont les plus étroites et hautes sont en fait les appartements privés des professeurs les plus éminents. On raconte qu'on peut l'apercevoir de l'autre côté de la mer intérieure, grâce à la plus haute tour, celle du Directeur de l'école.
Les Physiciens et La Physique Poussée.


Nous savons comment les électrons, neutrons et protons intéragissent. Nous savons comment les atomes, molécules, cellules et organismes intéragissent. Nous savons également comment les planètes, les étoiles et les comètes intéragissent. Les Physiciens aussi le savaient, mais ont été bien plus loin: ils ont réussi à maîtriser cette intéraction pour la recréer artificiellement par la pensée. De nos jours, on les auraient appelés "magiciens", mais à cette très lointaine époque, on les considéraient comme les plus doués des scientifiques.
Au cours de leur cursus à Analya, ils sont amenés à travailler une technique particulière, de leur choix, que les humains ont simplement appelé Spécialisation. La spé d'un Physicien peut aller du contrôle des atomes élémentaires - soient le carbone, l'oxygène et l'hydrogène - jusqu'à la maîtrise du champ gravitationnel - et donc son annulation parfois. Leurs pouvoirs ne sont pas illimités, et peuvent toujours être améliorés. Ils sont le fruit d'un travail constant tout au long de la vie, et on peut affirmer dans ce sens qu'un Physicien n'est jamais parfait. Il reste un homme avant tout. Seuls quelques Physiciens ont réussi à maîtriser deux ou trois spé, mais jamais plus.
Les Physiciens se reconnaissent facilement dans la rue ou sur les holoviseurs: ils sont constamment en blouse blanche, laquelle est ornée du blason distinctif de la Physique Poussée - un lion à trois têtes - sur le côté gauche. Ils ont tous les cheveux longs, noués en une tresse caractéristique à cinq mèches.
Les Etudiants


Ils ont réussi à entrer à Analya malgré la sélection impitoyable au prix d'un grand travail ou d'une intelligence rare. Comme les Physiciens, ils portent la natte distinctive de leur caste, même s'ils ne sont pas autorisés à arborer l'écusson de la Physique Poussée.
Analya étant un internat très fermé, il est rare d'en voir dans Carulia même, même si c'est possible. La plupart du temps, les étudiants préfèrent travailler ou se reposer à l'intérieur de l'enceinte de l'école, loin de l'agitation urbaine.
Les Humains


Le commun des mortels n'a pas accès à la Physique Poussée, et se cantonne à son petit monde. Mais ils sont plus ou moins directement dépendants de la Physique Poussée: les Physiciens sont ceux qui les dirigent, qui crééent les produits de consommation courante, qui contribuent à améliorer le rendement agricole, etc.
Néanmoins, tout le monde sur Terre a déjà entendu parler de la Physique Poussée, car on enseigne ses bienfaits dès la plus petite école. Et parfois, certains Physiciens ou Recalés viennent inspecter les structures agricoles ou portuaires, étant chargés d'y apporter des amélioration ou les réparer, tout simplement.


II - Le Combat

La Rébellion


Mais ce serait mentir que dire que tous les humains étaient aussi pro-Physique que les Physiciens eux-mêmes. Etre un simple humain ne veut pas dire spécialement être un mouton ou un abruti. D'ailleurs, qu'étaient les Physiciens, sinon de simples humains un peu trop prétentieux?
C'est ce que pensaient en fait la plupart des humains et même certains Physiciens désabusés. Pour eux, la nature est bien trop parfaite pour chercher à découvrir tous ses secrets. Il s'agissait là d'une prétention de l'homme, toujours avide de pouvoir. Car c'était bien de cela qu'il s'agissait. Le savoir n'a aucun intérêt seul. Ce que voulaient les Physiciens, c'étaient le contrôle total.
Le Rassemblement


C'est alors que commença le Combat. La rébellion se mit à attaquer les Physiciens, toujours ponctuellement. Embuscades et attentats se multiplièrent à Carulia, Furak et Joneto, les trois grandes villes phares du monde, lieux d'habitation de la plupart des Physiciens.
Mais cette rébellion, nommée le Rassemblement, était en fait menée par deux étudiants d'Analya, Kyra Safeer et Max Karue, a qui Poyu, le Directeur même d'Analya et plus grand Physicien de ce monde, avait fait appel pour stopper la folie savante de la Physique Poussée.
Poyu décida de fermer l'académie après le début du Combat, prétextant que les élèves ne seraient pas en sécurité à l'instar de leur professeurs. En coulisse, il se réservait plus de temps pour préparer ses attaques.
L'Ultime Défense


Evidemment, les Physiciens n'étaient pas dupes, et se réfugièrent derrière l'Etat terrien pour se défendre. Rapidement, les deux camps devinrent des partis politiques, se battant entre eux pour une opinion publique favorable et pour leur propre survie.
Si Max est la figure emblématique du Rassemblement, c'est Don Turis qui représente le mieux l'Ultime Défense. C'est un Physicien spécialisé dans le contrôle des ions, donc des charges, et qui enseignait la Chimie Ionique à Analya avant qu'elle ne ferme.

III - Le Chaos


Analya, joyau de la science du monde dans lequel vous vivez, a été fermée. Le plus grand Physicien de tous les temps s'est lui-même ligué contre les siens, tout en restant bien caché derrière la figure de proue du Rassemblement, Max Karue. La Terre entière est le décor de rixes entre Rassemblés et Défenseurs.
Et c'est à ce moment là que la rumeur d'un alliage de platine et d'un métal extrait d'une météorite pourrait décupler les pouvoirs des Physiciens commence à circuler... Une légende, un mythe ou une vérité?