✿ Innocence ✿ [FlashBack]

✿ Les visages ✿

✿ La cloche sonne, tous sortirent à l’extérieur. Je fus la dernière à rejoindre cette cours de récréation, marchant d’un pas toujours si las… si lent. Une fois sur les lieux, je fus accueillit par le vide... Les autres jouaient ensembles et aucun d’eux ne vint à moi. Pourquoi? Je suis gentille et pourtant… pourtant, personne ne veut de moi. Non, j’ai tord… si… si, il y a quelqu’un. Lucy, mon amie. Où est-elle? Je ne l’a voit pas. Je m’assois contre un arbre, à l’écart, et observe les garçons jouer, rire et crier. Elle reviendra, je dois être patiente et sage… elle reviendra. Je soupire, je lève la tête, me revoilà à mon point de départ, observant le ciel, seule mais avec espoir. Un détail avait détourné mon attention sur l’herbe, le gazon. Alors que le vent me caresse les oreilles, je vacille mon visage vers la gauche, vers un orteil.

✿ Mes yeux s’agrandirent brusquement… la peur… je sens la peur, je suis pétrifiée… terrifiée. C’est qu-quoi? Pourquoi il y a un orteil là?!?! Détaché… ensanglanté… c’est horrible! NON… non ne regarde pas! NE REGARDE PAS! Madame Yukiko, je dois la prévenir, mais… mais, je tremble, je ne peux plus bouger. Que ce passe-t-il?!?!

Kat… Kat, j’ai mal…

Lucy? Lucy, c’est toi?

✿ La voix, sa voix était tout proche, juste à côté de moi, tout près de ce tronc d’arbre.

Kat, pourquoi as-tu fait ça…?

Ce que j’ai fait? Mais je-…

Pourquoi Kat? Pourquoi?

✿ Je fus soudainement interrompue. En premier par Lucy mais après, par la vision d’horreur qui s’offrait devant moi. Elle… elle s’était dévoilée, ma douce Lucy, les jambes mutilées, charcutées. Le bas de sa ravissante robe blanche… non rouge… si rouge… son sang, partout. Que lui était-il arrivé?! NON, ce n’est pas moi… c-comment? C’est impossible! Impossible… mon dieu, ça coule, ça n’arrête pas! Je dois trouver de l’aide! Trouver de l’aide… Trouver de l’aide…

Je croyais qu’on était amie, Kat…

JE N’AI RIEN FAIT! Criai-je à tue-tête entre la peur et les larmes.

J’ai mal Kat… mais, tu as mal aussi non?

Regarde… regarde dans ton sac…

✿ Ma tête pivote lentement vers mon petit sac à dos, glissant une main frémissante à l’intérieur… soudain, j’entre en contact avec un objet métallique. Je le sors, le rive devant moi. Un couteau… un petit couteau… qu’est-ce qui se passe? Pourquoi je… non! Qui à mit ce couteau dans mon sac? Je ne comprends plus rien! PLUS RIEN!!! Tout à coup, une main se pose sur mon épaule, celle de Lucy. Elle se penche et me susurre doucement.

N’ai pas peur Kat… nous sommes amies non?

…

Nous sommes unis, si l’une souffre, l’autre souffrira aussi.

Je… je ne comprends pas… j’ai peur, Lucy! J’ai… p-peur…

J’ai…Argh!

✿ Une douleur, je sens une douleur m’envahir. J’ai… mal? Ce n’est pas possible! Qu’est-ce qui m’arrive? Le couteau… du sang? Mais il… il est couvert de sang! Je tremble, la lame s’échappe de mes mains. Je sens le sang couler sur mes jambes, sur mes pieds. Des coupures, partout sur celles-ci s’étaient créés d’elles-mêmes alors que je restais immobile. J’entends des cris, des hurlements. Je presse mes mains contre mes oreilles et ferme les yeux. Je ne veux plus rien entendre, rien voir, plus rien entendre… RIEN VOIR!

KATSUNA!!! ARRÊTE!!! KATSUNA!!!

✿ Mes yeux s’entre-ouvre, j’aperçois madame Yukiko, elle me tenait par le bras. Son visage était sévère, terrifié et inquiète. Elle a dû voir Lucy… elle aussi. Elle me releva de force et m’emmena à la clinique de l’école pour soigner mes blessures magiques. Les autres enfants me regardaient, tous terrorisés de peur comme s’ils étaient en présence d’un monstre et non de la bonne petite fille que je suis… jamais je n’oublierai, ces visages.

✿ Une amie, une ennemie ✿

✿ Les nuits passèrent, d’affreuses nuits cauchemardesques dont le réveil se terminait toujours en sursaut, plein de sueur dans mon dos. Je rêvais de massacre, de poursuite, de meurtre et le plus étrange… le plus étrange, j’étais la tueuse… moi, pourquoi moi? Il doit y avoir un malentendu, ce que Lucy a dit ne peut être vrai! C’est absurde, je m’en souviendrai! D’horribles pensées me hantent l’esprit, des questions, plein de questions, des énigmes aussi. Des questions sans réponses, un morceau de casse-tête introuvable. Et, avec ce morceau manquant, plus rien ne fait de sens! Qui? Qui a mit ce couteau dans mon sac? Il était bien réel, le sang, la douleur, tout… c’était réel.

✿ Ce soir, Lucy vint me rendre visite. Elle apparue dans le coin de la pièce, sa blancheur angélique repoussant les ombres. Rien que sa présence m’apaisait, hors, elle était venue pour me prévenir d’un éventuel danger. Sa silhouette disparue un moment, puis réapparue près de la fenêtre pour contempler un clair de lune qui fit briller ses yeux comme deux étoiles filantes. Elle se retourna vers moi, la mine plutôt triste et inquiète.

Qu’est-ce qui ne va pas, Lucy?

Kat… je sens que quelqu’un te veux du mal.

Quelqu’un? Mon père?

Non… c’est, c’est difficile à expliquer.

Elle marqua une pause alors que je l’interrogeai du regard.

C’est toi Kat…

Moi? Mais comment?

Écoute attentivement, je sens une seconde présence en toi, Kat.

Une seconde présence? Qu’est-ce que tu veux dire, Lucy?

Tu as une double personnalité, Kat. Elle te fait du mal, à toi et à moi.

✿ Une double personnalité? C’était tellement logique, quoique, ça faisait peur aussi. Un second individu que je ne connais pas et surement la cause de ces étranges coupures dans le temps, ces ellipses, ces pertes de mémoire, ce tourment. Qui… à qui faire confiance maintenant? Je ne sais même pas quand cet autre moi va se décider à agir, si elle existe vraiment d’après la théorie de Lucy. De plus, dit-elle la vérité? Qui croire maintenant? Tout est noir autour de moi, j’ai l’impression de sombrer dans un trou sans issue de secours, sans aucune corde sur laquelle m’agripper…

Kat, suis-moi, j’ai quelque chose à te montrer.

Te suivre? Mais où? Et… comment je sais que tu ne mens pas?

Je ne suis pas celle qui te veut du mal, Kat…

Il faut aller dehors, dans la forêt. Suis-moi, tu comprendras.

✿ Avais-je réellement le choix de refuser? Entre nous deux, elle semblait avoir bien plus de connaissance sur l’état de la situation, tout ce qui se passe, ce qui m’arrive. C’était difficile de lui faire confiance, je savais que très peu sur elle et en plus, elle m’avait mentit au sujet de son identité. Malgré le doute, mes craintes et mon anxiété, j’avais accepté de la suivre. J’avais l’étrange pressentiment que, si je voulais des réponses à mes questions, il fallait que je m’engage dans sa proposition… que c’était avec elle, que je percerai le mystère de cette double personnalité. Je n’étais pas une acrobate mais je me débrouillais dans la descente, celle de ma fenêtre, tout près d’un arbre sur lequel je m’étais appuyée. Une fois au sol, Lucy vint me rejoindre en se téléportant un instant pour réapparaitre à ma droite. Elle prit ma main dans la sienne. Au contact, je sentis une étrange froideur ainsi qu’une force astrale me tirer vers l’avant.

✿ En un rien de temps, nous étions dans la forêt. Elle était sombre, mais calme. Nous marchâmes pendant longtemps… très longtemps. J’ai toujours eu peur dans le noir mais cette nuit me fit réaliser que même dans les repères les plus obscurs, on trouve une source de lumière… que, ce n’est pas parce qu’il fait nuit, que cela repousse la beauté des fleurs nocturnes, se laissant bercer par le clair de lune. Soudain, Lucy s’arrêta, je fis de même. Devant nous, une vieille maison abandonnée, clôturée et aux murs délabrés par le temps. Au premier regard, elle aurait donné froid dans le dos, mais… des fleurs… partout dans la cours, à l’entrée, près de la porte entre-ouverte.

C’est ici que tu habites, Lucy? Lui demandai-je, mystifiée par tant de blanc.

✿ Le journal ✿

✿ C’est fou, on se croirait en plein jour tellement la lune, les pétales, même les arbres… rayonnent. Leur beauté synchronisant, c’était magnifique. Lucy acquiesça lentement puis me fit signe de la suivre. Une fois à l’intérieur, des chandelles disposées un peu partout sur de petites tablettes s’allumèrent, éclairant la pièce d’une chaleureuse lueur. Il y avait de la poussière ici et là, sur les meubles et quelque toile d’araignée suspendue au plafond. Cette maison fut sans doute abandonnée pour plusieurs années déjà… néanmoins, elle restait charmante malgré l’absence d’époussetage. Lucy marcha aussitôt vers un vieux coffre de bois qu’elle pointa du doigt. Sans trop attendre, je l’ouvris un peu trop brusquement, entrainant un nuage de poussière sur mon visage, me faisant tousser à plusieurs reprises.

À l’intérieur, il y a un journal, prend-le.

✿ Une fois le nuage grisâtre dissipé, je vis ledit journal en question, plusieurs vieux bouquins empilés et dont quelque uns marqués de symboles religieux. Doucement, je m’en empare pour ne pas l’abimer. Mes doigts tâtèrent la page couverture de couleur cramoisi comme mes cheveux. Je souffle un bon coup pour enlever l’excès de poussière qui dévoila quelque mot lisible.

« En mémoire de Lucy » lis-je tout haut avant de l’interroger du regard.

Tu ne trouveras pas forcément tout ce que tu cherches, c’est possible même que tu auras d’autre question sans réponses après avoir lu son contenu. Mais sache que, je tenais à te faire partager ma vie, une vie parallèle à la tienne.

✿ Sur ses dires, j’ouvris le journal, réalisant que plusieurs pages manquaient à l’appel. En faite, il n’en restait qu’une, mais bien remplie.

Citation :

Bonjour à quiconque lira ce message,

Je m’appel Lucy et si j’écris, c’est parce qu’il ne me reste plus beaucoup de temps. Le couché du soleil est magnifique ce soir, je suis ravie de pouvoir le contempler, une dernière fois. J’ai été élevé dans un orphelinat depuis ma naissance. Tout comme toi, je ne connais pas mes parents biologiques, tout comme toi, nous avions eu le même père adoptif. S’il faut appeler ça un père… non, je dirai plutôt qu’il s’agit d’un monstre.

J’ai été abusée, battue, torturée, violée mais tout ça, tu le sais toi aussi, je n’ai rien de plus à ajouter. J’ai tant de regret, oh si tu le savais. J’aurai tant aimé avoir eu la force de lutter pour ma survie. Les jeunes, naïves, innocentes c’est ainsi qu’il les aime. Soit forte, je t’en pris soit forte. Ne commet pas la même erreur que moi.

Aujourd’hui, j’ai découvert une liste des atrocités qu’il m’a fait subir, chacune associée à une date exacte et une heure précise. J’ai cru bon de recopier le tout sur un bout de papier que tu trouveras derrière cette page. Lorsque je l’ai découvert, il était déjà trop tard… bref, demain, c’est la dernière date indiquant ma mort suivit d’une flèche remontant au tout début. Comme quoi, il va passer à sa prochaine victime, toi…

Pourquoi ai-je décidé d’écrire ce message tu te demandes? La raison est simple, paniquer avant mon départ ne serait qu’un vaste gaspillage d’énergie. Non, je veux laisser derrière moi un fruit, une mémoire. Que mon corps péri, mais mon âme restera à jamais encré dans cette page, elle est très précieuse pour moi… très précieuse.

Avant de te dire au revoir, je tiens à te dire que… même si je n’ai jamais rit avec toi, pleuré avec toi, vis avec toi, même si je n’ai jamais eu la chance de percevoir ton beau sourire, ton visage… le caresser, te serrer… je t’aime, au plus profond de mon cœur...

je t’aime.

Lucy

✿ Des larmes, je pleure. Ça coule, ça n’arrête plus. C’est si triste… Lucy. Pauvre Lucy… je… je t’aime aussi. Elle est morte… morte… Une douce brise entre à l’intérieur de la demeure, faisant tourner la page. Une seconde feuille glisse doucement sur mes genoux, la liste qu’elle avait retranscrite. Je l’observe un moment puis, mon visage passe de l’amertume à la peur. La dernière date se trouve à être… demain.

✿ Engagement ✿

✿ Mourir, mourir demain… demain. Mais… mais, je veux vivre, moi… je veux vivre! On m’enlace doucement, Lucy… Je sens le froid de son image pénétrer dans mes veines. Elle est un fantôme, rien de plus rien de moins. Que faire? Simplement accepter de n’être que le fruit d’une expérience, suivant un plan bien précis… des dates, des stupides dates annonçant chaque horreur avec précision. J’ai l’impression qu’on a puisé le reste de mon énergie, que l’espoir s’est estompé, qu’un voile noir me couvre et m’empêche de respirer.

Lucy, je ne veux pas mourir, Lucy!!! J’ai peur… je veux vivre… je veux vivre…

Je sais, suis-moi, Kat. J’ai quelque chose d’autre à te montrer.

✿ Elle disparue aussitôt suite à ses paroles. Je l’a vit à l’extérieur par l’entremise d’une fenêtre, elle attendait que je sorte, chose que je fis sans trop perdre de temps. Elle posa ses yeux d’un bleu ciel immatriculé sur moi, ils sont si magnifiques. Tu es tellement jolie, belle et pure, Lucy.

Ce que tu t’apprêtes à voir risque de te choquer… Es-tu certaine de vouloir continuer?

Sincèrement, je ne sais pas… je ne sais plus quoi faire… j’ai peur, j’ai très peur et, pour une raison inconnu, je continu d’avancer. C’est étrange mais, je veux savoir, tout savoir sur toi, Lucy.

Tu es courageuse, Kat.

Heh… courageuse? Je suis plutôt terrorisée… je ne vois pas en quoi je serai courageuse…

Le courage ne signifie pas être invulnérable à la peur, Kat. Le courage, c’est utiliser cette peur pour avancer et non se refouler dans son voile.

Je suppose que tu as raison…

✿ Cette remarque me fit étrangement sourire malgré ma tête qui restait basse. À peine eu-je le temps de river mon visage vers Lucy qu’elle était déjà en route vers l’arrière de la demeure. Je la rejoignis au pas de course et m’arrêta en sursaut. Je m’étais attendue à un jardin, des arbres… un parc mais pas…

C’est ici qu’il les enterre, une fois la liste achevée.

Un cimetière…

✿ Des pierres tombales, et pas juste quelque unes, mais des dizaines… des vingtaines… voir bien plus que ça. Combien y en avait-il? Chacune d’entre elle portait le nom d’une fillette pas plus âgée de douze ans. Je marchais tranquillement, observant chacune de ces pierres avec tristesse. Soudain, je m’arrête à l’extrémité Ouest, là où je vis celle qui m’était destiné. Il avait déjà tout prévu… Lucy posa sa main sur mon épaule afin de me réconforter, une tentative futile mais j’appréciai ses efforts. Euh… mais attend un peu…

Lucy… ta pierre, où est-elle? Demandai-je en me rappelant ne pas avoir lu son nom nulle part.

Ah, oui… elle est un peu à l’écart. Répondit-elle en marchant direction Nord du cimetière, tout près d’un grand saule pleureur, à la limite d’une falaise qui donnait une vu magnifique sur toute l’étendu de la forêt et ses lacs.

Comme je fus la première, il ne m’a pas enterré avec les autres…

✿ Je m’arrêtai devant l’arbre gigantesque. À la base, je vis une petite croix mais quelque chose d’étrange ornait celle-ci. Un petit parchemin, un sceau. Autour de la région étaient disposées des chandelles allumées en formation circulaire, tel un rituel. Non seulement il y avait la présence de chapelet religieux mais également de drôles de symboles incrustés dans une terre fertile, sans herbe comme si elle était régulièrement entretenue de la sorte.

Lucy? Pourquoi… il y a un sceau?

Kat, ce que tu vois devant toi est rien d’autre qu’une image du passé, un triste souvenir. Mon corps a péri, s’est décomposé mais mon esprit a acquit plus de malice qu’on ne peut acquérir dans l’espace d’une simple vie.

Je ne comprends pas…

Ce sceau religieux que tu vois est la cage de ce qu’est advenu de mon âme… une âme tourmentée par la vengeance et la haine et qui, pendant près d’une cinquantaine d’année, n’a cherché qu’à se délivrer.

Et pourquoi moi dans tout ça?

J’ai espoir, confiance en toi Kat. Tu es celle qui me délivrera, en échange, je vais te protéger contre le triste sort qui t’attend, celui d’orner ce cimetière comme les 48 autres qui étaient là avant toi. Tu comprends? Tu seras la 50ème, ce chiffre est très important pour lui et n’hésitera pas à employer tous les moyens pour l’atteindre.

Mais… encore pourquoi moi? Pourquoi pas une autre… il y en a tant eu avant moi!

Le courage de venir jusqu’ici, Kat, le courage… tu es la seule ayant eu assez de courage pour vaincre ta peur. De plus, il y a une grande force spirituelle qui réside en toi. Maintenant, tu dois me faire confiance et retirer ce sceau. Il ne reste plus beaucoup de temps, il arrive…

Il? Père? Mais comment? Demandai-je en sentant la peur serrer mon ventre et mon cœur, débattre à toute allure.

RETIRE LE SCEAU, C’EST MAINTENANT OU JAMAIS!

✿ Je m’empare aussitôt du bout de parchemin, les mains tremblantes.

Je dois le faire… je… je veux t’aider.

Katsuna, mon enfant, mais que fais-tu ici?

✿ Partage ✿

✿ Je me retourne lentement vers lui, détachant le sceau par le même fait. Les flammes de chaque bougie s’éteignirent brusquement suite à un vent glacial qui me donna d’étranges frissons… mais… rien… rien de plus, rien de moins. Je m’étais attendue à pire, bien pire… je ne sais quoi… une présence, une apparition, mais rien. Et Lucy? Où est-elle? Disparue, elle avait disparue encore une fois, me laissant seule devant père dont le regard était noir de rage, noir de colère. Le jour, il conservait bien l’apparence d’un vieux prêtre bien ordinaire mais la nuit, j’avais l’impression de faire face à un docteur… non, j’ai l’impression que l’être devant moi n’est rien d’autre qu’un tueur… un tueur d’enfant.

As-tu la moindre idée de la gravité de ton geste, Katsuna?

✿ J’étais pétrifiée. À l’instant même, j’étais incapable de parler. Tout ce qui pouvait retentir de ma bouche n’était que de maigre gémissement, essence d’une peur grandissante, accablante. Voyant mon handicap de la parole, il se pencha aussitôt, m’arracha d’un coup sec le bout de papier que je tenais et, comme si la panique l’avait soudainement envahi, il se mit à genoux en tâtant affolement le sol, plus précisément la région où les symboles avaient été dessinés. Ils avaient disparus eux aussi, restant qu’une simple surface de terre noire.

Elle est libre…

Non… elle est en toi, l’incarnation du diable même! Dit-il en se relevant.

Sacrilège! Mais comment as-tu su? Qu’importe, je dois trouver un moyen de te purifier, à commencer par te punir pour ce péché...

✿ Il me frappe, fort et dure… derrière la tête puis, tout devint noir… inconscience, le rêve… d’innocence.

✿ Le réveil fut douloureux. Ma tête était basse, je vois un cercle de chandelles, les mêmes symboles gravés au sol… où suis-je? Il y a quelqu’un? Noir, il fait très noir… La pièce dans laquelle on m’avait suspendue était plongée dans l’obscurité. Mes bras… attachés par des chaines reliées au plafond. Mes jambes… maintenues également dans une telle position mais vers le bas. Je suis immobile et dans le vide. Je suis incapable de bouger, de trouver la force de me redresser. Je suis nue et parsemée de coupures fraiches, j’ai le goût de vomir, de pleurer mais aucune larme ne prend forme, je suis épuisée et mes yeux, asséchés.

✿ Soudain, une porte s’ouvre. Je vois la lumière et des barreaux. Je suis enfermée dans une cellule, une prison dans un cachot. Père s’approche, une bible en main.

Tout va bien, mon enfant?

…

Je vois. Hm, semblerait-il que le processus de purification selon les textes soit étalé sur une longue période… quatre ans pour être exacte.

Sache que ce détail me gêne, mais bon, te crois-tu être capable d’endurer autant de souffrance, ma chère enfant?

…

Bien, je te laisse pour ce soir, j’ai une prière à entamer. Repose-toi bien.

✿ J’ai mal, j’ai froid… mais pire, je me sens seule. Lucy, où es-tu? Pourquoi m’as-tu abandonné, laissé ainsi sur mon triste sort… m’aurais-tu oublié? Où es-tu? Répond-moi, je t’en prie. Je suis si perdue.

*Lucy… Lucy, je suis là*

Lucy? C’est toi?...Heh… pourquoi m’appels-tu Lucy?

*Oui Lucy, c’est moi. N’ai pas peur.*

Où es-tu? Montre-toi, je veux te voir…

Je suis juste devant toi, Lucy… regarde.

✿ Je rassemble le peu de force qui me reste pour lever ma tête, elle qui était si lourde. Je m’attendais de voir la silhouette blanchâtre de Lucy mais… je fus surprise de me retrouver face à face avec… moi. Un double, une image double de moi-même. Identique à l’exception qu’elle affichait un doux sourire alors que moi, j’avais bien trop mal pour exprimer cette joie et pourtant… dès que sa main vint caresser ma joue, un mince sourire réussi à prendre forme sur mon visage. Tout en s’approchant doucement, elle déposa aussitôt ses lèvres contre les miennes. Elle m’embrassa tendrement.

*Unis, nous somme unis toi et moi… à jamais*

✿ Mélodie ✿

✿ Le temps passe. J’ai beau être enchainée, enfermée, ayant l’impression que la terre s’est arrêtée de tourner. Le temps passe, les jours défilent, tout bouge, tout sauf moi. Je n’ai pas quitté l’obscurité, elle est devenue mon voile, mon réconfort, mon nouvel habitat. Mes poignets sont scarifiés par le métal à force d’être suspendue dans une telle position. Père avait déposé devant moi un miroir, cette glace reflétant le corps dénudé d’une petite fillette. Non… impossible… ce que je vois devant moi n’est pas l’image de ce que je suis, c’est est un cadavre vivant! Pourrissant jour après jour, un corps vide, sans âme ni pensée et qui, malgré tout, trouve la force de se maintenir en vie, puisant la dernière source de ce qui me restait comme énergie, l’espoir. C’était difficile, je ne pouvais me résoudre d’accepter ma nouvelle prison, celle de ce corps. Pourquoi, pourquoi une si douce petite fille telle que moi, réside dans une dépouille, un amas de chair et d’os ne pouvant même plus bouger, articuler.



✿ Soudain, une lueur aveuglante chasse l’ombre de ce sinistre lieu… une plume tombe… deux… trois… quatre… je ne les comptes plus, il y en a tant. Sans comprendre, ma tête se redresse, mes mains se rivent vers un plafond illuminé de splendeur, mes doigts se referment sur eux-mêmes puis, j’ouvre les yeux rayonnant de mille feux. Là haut, je vois un ciel, des nuages… non, c’est Lucy, elle a des ailes. Un ange? Gardienne es-tu? Douce messagère pour venir ainsi me visiter, m’accueillir dans ton paradis céleste et sans souffrance. Doit-je encore me sévir les mains, dois-je encore supporter le mal pour encore quatre années? Que me veux-tu, petit ange? Es-tu venu pour me réconforter, m’encourager ou ta présence est-elle une invitation vers ton seigneur à qui tu as voué l’éternelle dévotion. Mes lèvres se libèrent, ma bouche s’ouvre, un son s’échappe, je chante parmi les étoiles du jour.

♬♪ Angelius ♪♬
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Star of Bethlehem, Star on high
Miracle love of midnight sign

Let your luminous light,
From heaven enter our hearts

Star of happiness, Star of wonder
You see everything from afar

Fill with love the age of man
Oh light, oh holy light
Oh light, divine.

Ƹ̵̡Ӝ̵̨̄Ʒ

✿ Un frisson me parcoure à travers tout le corps. Une agréable sensation de bonheur. Les plumes disparurent une fois mon chant s’éternisant et la lumière, céda modestement place à l’ombre ainsi qu’à la lueur des chandelles. Ma tête est basse à nouveau. Le miroir porte désormais le reflet d’une fille qui, malgré avoir tant pâtit, tant gémit, tant crié, et tant pleuré pendant si longtemps, avait un talent. Je n’étais pas triste de l’avoir réalisé, mais triste de savoir qu’il ne sera jamais exploité, que personne… non, jamais personne ne m’entendra chanter.